"Eden" est le premier film du genre en France. Parler de musique au cinéma avec un casting quasi inconnu n'est pas simple. Les producteurs et autres distributeurs ne se jettent pas sur ces thèmes trop clivants. Quelques scènes impeccablement filmées de dancefloor dans un James Grey (Tows Lovers) ou dans "Polisse" de Maiwen, passe encore... Mais un long en deux parties qui parle "Garage"...
Le système de financement veut que si une diffusion n'est pas envisageable à 20h50 sur TF1 ou FTV, aucune chaîne ne signe. La réalisatrice d'"Un amour de jeunesse" et du film "Le Père de mes enfants" a donc connu quelques difficultés à monter son dernier long métrage. Pas moins de trois producteurs se sont succédés et il a fallu presque deux ans de pause et de réécriture pour venir à bout de "Eden". Plus porche de l'enfer que du paradis, Mia Hansen Love n'a jamais voulu lâcher son ambition. Celle de voir porter à l'écran une partie de la vie de son frère. Sven est un ancien DJ. Il évolue en plein 90/2000 dans un courant musical presque oublié aujourd'hui : Le Garage. Ce mélange de disco et techno n'a pas vraiment fait recette. Un style discret qui marquera moins les esprits que la House.
Cela étant dit, "Eden" est plus qu'un simple petit film sur le monde des boites de nuit des années 2000
et bien plus que le portrait d'une génération en manque d'extasy. La musique, ici, est un prétexte, une ambiance. Passé la nostalgie touchante d'une époque, Hansen Love nous plonge dans des individualités et dans des parcours de vie. Le récit d'un looser. Un jeune homme bourré d'ambition, un peu buté qui a oublié d'évoluer, de s'adapter contrairement au Datf Punk représentés dans le film par l'excellent Vincent Lacoste entre autre. Eux explosent. Eux réussissent. D'ailleurs, leurs œuvres saupoudrent élégamment la bande-son.
Tous les DJ ne sont pas obligés de devenir les Daft Punk. En quoi l'histoire de Sven (Paul joué par Felix de Givry) est donc exceptionnelle ? Pourquoi raconter quelqu'un qui n'y arrive pas ? Parce qu'il le faut ! Parce que les vies et les histoires sont singulières. Parce que le succès est moins séduisant. Parce que la réalisatrice a su nous accrocher avec des acteurs inconnus sur un thème qui concerne trois personnes. La volonté du témoignage l'emporte.
Rater, passer à côté, abandonner ses désirs de gosse pour entrer dans le rang. Se rendre à l'évidence après un succès de 4 semaines, la drogue, les nuits fiévreuses, les potes paumés... n'est pas chose aisée. La force de la narration de Mia Hansen Love oblige à une empathie. Cette histoire est universelle et actuelle.
Se battre envers et contre tout mais jusqu'à quand ?
Yasmina Jaafar