La réalisatrice franco-libanaise nous avait déjà régalé avec "Un homme perdu" (2007) ou encore "Beyrouth Hôtel" (2012) . "Peur de rien" propose, lui, le voyage d'une étudiante venue d'ailleurs. Un voyage au cœur de Paris plus proche du parcours du combattant que d'une balade d'été.
Lina a 18 ans et des envies à foison. Le Liban semble moins attractif pour étudier et aimer : elle décide donc de venir en France pour appendre mais surtout pour être libre... enfin !
La vie, l'espoir, le désir... Lina ne se pose pas vraiment de question et tente d'exister simplement. Danielle Arbid se réfère à sa propre histoire sans pour autant signer une œuvre autobiographique : "Peut-être que la réalité de ce que j'ai vécu était plus dure ou plus douce, peu importe. Je préfère laisser oeuvrer le temps. L'écriture est un moyen de composer avec le vécu et le cinéma parachève doublement ce processus : avec le scénario, le choix des comédiens puis à travers le regard que vous portez sur eux, le montage... Donc, non, ce n’est pas autobiographique. Ce que je voulais dire à travers ce film c’est « la somme de ce qu’on devient » grâce aux gens rencontrés", explique-t-elle.
L'artiste engagée tourne ainsi pour la première fois sur le territoire français. Ses deux précédents films ont connu l'interdiction et la censure au Liban. Dans celui-là, en salles demain, elle expose toutes les difficultés liées à l'intégration, l'acceptation par les autres, les codes trop différents d'un pays à l'autre, les regards et les rejets sur fond de préjugés. Le ton est, comme dans tous ses œuvres, presque silencieux. Nous sommes au plus près des émotions de Lina et des autres protagonistes. La mise en scène sonne comme une conversation au coin du feu. Investis par le secret de ce qui se déroule, on se sent invité.
Danielle Arbid montre une France des années 90. Cette France-là n'est pas véritablement différente de celle d'aujourd'hui. Les débats politiques sont les mêmes et sont consciencieusement incarnés par Vincent Lacoste (Raphael), jeune militant de gauche luttant contre toutes formes de capitalisme galopant. "Peur de rien" résonne de manière troublante avec 2016.
On sort de là renseigné et satisfait. Le personnage de Lina joué par Manal Issa est attachant : candide mais pas vraiment. Perdue mais pas vraiment. Elle est d'abord intelligente et sait saisir toutes les occasions pour se révéler à elle-même. Tout pour sa propre "révolution", terme cher à la lumineuse Manal Issa (jusqu'ici étudiante pour devenir ingénieur) puisque tatoué sur son bras.
-"C'est quoi une aventure ?"
-"C'est plus qu'un coup, c'est moins qu'une histoire."
Un pur personnage de fiction, sexy et déroutant.
A voir !
Yasmina Jaafar