Oui, en effet et je le mesure tous les jours. Quand j'ai eu 20 ans, j'ai signé chez Universal et je me suis sentie comme une vache à lait faussement imprégnée. Je devais faire des tubes quoi qu'il arrive. Il fallait écrire 50 chansons pour en trouver une qui les satisfasse. Pour moi, c'était catastrophique. C'est là que j'ai compris que je ne m'épanouirais pas dans ce système très marketé. Mettre du "jolie" partout alors que je fais du Rock... on ne pouvait pas se comprendre. Alors, oui, l'indépendance me donne une véritable liberté. Elle me coûte beaucoup mais... c'est un prix à payer. Parfois, les personnes avec lesquelles je travaille s'en vont...
Oui ! Il est parti ! Il me disait "Je reste que si tu ne sors pas ton clip. Les gens ne vont pas comprendre ton message. Il est trop hard ce clip !". Ben... on s'est séparé. Je suis têtue et j'ai dis gentiment "Non". C'était une relation de 7 ans. J'avoue que ça n'a pas été simple. Mais s'il souhaite imposer ses vues, il est préférable qu'il travaille avec un artiste plus malléable que moi.
Bien... je n'ai pas commencé hier. Ca fait 20 ans que je chante et je n'attends pas de quelqu'un qu'il ait peur mais qu'il me suive. J'ai du caractère, c'est vrai, mais ça ne m'intéresse pas de rester dans un truc stagnant juste parce qu'il ne faut pas faire de vagues. Sur scène, chaque nuit, je rencontre un nouveau public et tout doit être vivant avec une mise en danger sinon autant regarder You tube.
Oui. mais ce qui m'a vraiment étonnée, c'est que certains n'arrivent pas à regarder jusqu'au bout. Ils manquent de patience. En effet, il faut arriver à la minute passée pour voir mon ventre. Les gens pensent que je ma la joue "Rihanna soldate" car j'ai un bikini à l'effigie du drapeau US et que mon attitude est lascive...
Mon but est de donner à penser par une critique à l'encontre de toutes ces divas de la pop ou du R&B qui se sentent obligées de se mettre quasi nues pour vendre et attirer l'œil. Alors, quand mon ventre se pointe au bout d'1 minute 30, ça désarçonne. On limite qui nous somme en tant que femme. En acceptant ça, on fait un bond en arrière. Dans les années 70, les femmes gagnaient des batailles. Elles ont installée de véritables libertés et dans cette imagerie ultra glamourisée, on fait du mal à ces combats passées. C'est un visage d'une sexualité superficielle et vaine.
Oui, et j'ai vu les réactions des hommes face au clip. Ils n'apprécient que moyennement et je voulais interroger leur propre relation à ces fantasmes. Les femmes qui ont vu le projet en entier, aiment. Et ceux qui manquent de temps pour attendre la fin du film montrent autre chose sur notre époque : nous n'accordons même pas 1 minute 30 pour aller au bout d'un propos.
Je parle de l'addiction. A commencer par celle que nous entretenons tous avec à nous même, notre propre image étalée sur tous les réseaux sociaux. J'ai aussi voulu parler de la perte de ma fille. Je crois que je peux partager mon expérience avec d'autres femmes qui ont eu un enfant mort-né. Avec le clip dont on parlait, elle existe. Ca n'était pas le message premier mais je refusais de supprimer ces images. Je publie aussi un livre l'an prochain qui va s'intituler "Her name was India", le clip avait donc son importance quant au livre. Je ne veux pas qu'on cache la réalité au profit d'une vie virtuelle et "facebookienne" où tout va bien... soit disant. J'ai voulu évoquer nos propres peurs et nos frustrations dans le titre "Run" ou encore "Ordinary Colours". On ne s'écoute pas beaucoup et c'est dommage. La liberté a un prix mais c'est pas mal quand même.
J'ai quelques chansons déjà prêtes mais je voudrais une direction totalement symphonique avec un vrai orchestre. Mes albums sont assez différents les uns des autres. C'est l'avantage d'être indépendant.
Yasmina Jaafar