Oui. Je n'ai pas accepté facilement. J'ai eu un moment de réflexion. Le documentaire est une autre écriture que celle d'un spectacle où l'on se cache derrière des personnages. Là, j'allais devoir me dévoiler, me livrer. Et avec le climat actuel, des questions fusaient dans ma tête. J'ai répondu à Alexandre Amiel "Attends Alex... je te rappelle !" (rires).
Il est, en effet, très convaincant. Il m'a rassurée et après une nuit de réflexion, j'étais OK. A chaque fois qu'il se passait un évènement tragique, j'étais dans mon salon à tourner en rond me demandant ce que je pouvais faire de probant. Je tente de faire ou de dire des choses via mes sketchs, mais je peux aussi faire autrement. J'ai la volonté de faire passer des messages et montrer le ridicule de leurs actions mais ce travail documentaire me donnait une autre opportunité.
Celle de poser des questions à des sociologues, des historiens, des personnes impliquées dans la lutte anti-raciste mais aussi à des militants FN. Je voulais faire un état des lieux aussi dans ma communauté.
C'est très différent. La préparation et la création n'ont rien à voir avec la scène. Heureusement, j'ai obtenu la grande aide du journaliste Christophe Lancellotti. Je lui posais beaucoup de questions quant à la manière de pratiquer. Dans l'écriture d'un rôle, on n'est pas en frontal avec l'Autre. Ici, je dois convaincre les gens de me parler. Je me suis mise à nue.
Je me suis reconnue et en même temps pas vraiment. Cachée derrière une blague, je me camouffle un peu plus alors que cet exercice implique d'être vraie et cela a sa difficulté. Dans le documentaire, on me voit, par exemple, faire des bruits de réaction et avoir des attitudes que je n'ai que chez moi à l'abri des caméras. Alors que lorsque je suis sur scène ou en promo, tout est contrôlé et calibré. Là, vous verrez la vraie Amelle.
J'étais ha-llu-ci-née par ce qu'il disait. On le voit, je reste interdite devant ses aberrations mais je ne voulais surtout pas m'énerver. Ce qui n'est pas dans mes habitudes. J'ai pris sur moi car dès que je suis blessée, j'ai tendance à virer kaïra, à être sèche et à froncer des sourcils.
Oui, c'est vrai mais j'ai fait la bouffonne (rires). Plus sérieusement, je me suis aperçue que c'était des gens influençables. A la fin, il me tapait dans le dos. Quand tu commences à rire avec quelqu'un, c'est que quelque chose passe. Donc c'est pas si ancré que ça. C'est la première fois que je suis confrontée en direct à ce discours et avoir cette réalité en face fait très bizarre. J'étais la seule rebeu au milieu de ce défiler du 1er mai entourée de gens qui hurlaient "Musulmans dehors".
J'ai posé cette question dans le film et la réponse est souvent la même c'est-à-dire que ce sont les médias qui choisissent leurs visages. Leurs habitués sans vraiment chercher un autre discours. On nous montre les mêmes imans fous qui ne savent pas s'exprimer alors qu'il y a bien d'autres penseurs, imans et philosophes dans notre communauté. Choisir le bledar quasi inculte est néfaste et c'est une façon de créer des tensions. Mais nous ne sommes pas dupes.
Oui. Il faut du temps mais j'ai une idée en tête. C'est compliqué d'avoir des budgets au cinéma pour des sujets tendus alors pourquoi pas faire un doc. Pour celui-ci, j'ai demandé à Alexandre (Amiel) de pouvoir entrecouper le documentaire avec des images plus légères et des mini-clips pour pouvoir parler à tous le monde notamment aux jeunes qui me suivent. J'ai toujours peur que le jeune lâche l'affaire et zappe. Je ne voulais pas que ça soit anxiogène.
Non ! Je ne sais pas qui va se présenter mais je reste dubitative. Je ne sais pas pour qui voter. Je tanne tout mon entourage pour qu'ils votent mais pour qui ? C'est horrible parce que je n'ai pas d'arguments.
Yasmina Jaafar