Il est des images qui marquent un quinquennat. Celle de François Hollande, bafouillant le 25 août 2014 sous une pluie battante, trempé et les lunettes embuées, commémorant péniblement les 70 ans de la libération sur l’île de Sein en fut une. La semaine dernière fut riche en images pour Emmanuel Macron. Après avoir reçu Vladimir Poutine à Versailles, le nouveau président réagit au retrait de Donald Trump des Accords de Paris, décision qui entraina la consternation générale.
Revenons donc sur ces deux moments à travers la photographie qu’en publia le journal Le Monde daté du mercredi 31 mai 2017, la conférence de presse qui suivit et que donnèrent les deux hommes d’état, et la vidéo du président français condamnant le retrait américain de la COP21 partagée sur Facebook.
Dans la première, le leader de la République En Marche ! avance d’un pas décidé, regardant au loin, grave, le corps droit et hiératique. Un peu en retrait, le chef du Kremlin se penche vers lui, sans que ce rapprochement physique – son buste est penché, sa tête inclinée en direction de Macron – ne soit imité par son homologue. À la gauche du chef de la diplomatie française, un troisième homme se penche lui aussi dans sa direction, de sorte que se forme un triangle – lire mon précédent article sur Emmanuel Macron en homme triangulaire – qui paraît abriter, couvrir le jeune président. En arrière plan, une fontaine du château de Louis XIV rappelle la gloire de ce monarque qui sut imposer sa puissance militaire autant que culturelle. Si une série de clichés photographiques avaient pu circuler sur internet qui montraient son prédécesseur comme décalé et à contresens de ses homologues lors de rassemblements du G7, nous semblons avoir ici au contraire un chef d’état français vers qui se tourne le monde – en l’occurrence ici la Russie. Quelques heures après, les présidents russe et français donnèrent une conférence de presse au cours de laquelle Emmanuel Macron revint sur les contre-vérités que publièrent les médias pro-Kremlin Russia Today et Sputnik.
À côté d’un président français sûr de lui, alerte et tranchant, le président russe paraît au contraire mal à l’aise, le visage rougi par le soleil, transpirant et comme absent. Dans Le mystère Poutine, documentaire diffusé sur France 2 le 15 décembre 2016, le journaliste Nicolas Hénin revint sur l’entretien privé qui eut lieu entre Nicolas Sarkozy, alors tout juste président de la République et Vladimir Poutine. Face au ton et à l’assurance du Français, très critique à l’égard de la politique intérieure et extérieure russe, Poutine l’aurait alors menacé de l’écraser, multipliant les insultes et les propos humiliants. Suivra ensuite une conférence de presse mémorable au cours de laquelle Nicolas Sarkozy paraitra ivre, les médias ironisant par la suite sur un imaginaire abus de vodka dont ce dernier aurait été victime, oubliant qu’il ne boit pourtant jamais d’alcool.
La récente visite de Poutine à Versailles marque ainsi un intéressant et médiatisé retournement de rapport de force. Un changement que confirme la récente prise de position d’Emmanuel Macron face à la décision prise par Donald Trump de quitter les Accords de Paris, discours qu’il fit en français puis en anglais. Il reprendra alors le célèbre slogan de campagne de l’Américain pour en faire un « Make Our Planet Great Again ». Concernant cette allocution, elle prit tout son sens lorsqu’elle fut partagée sur Facebook. À mesure que les réactions enthousiastes et parfois passionnées des internautes s’amassaient sous la vidéo, des milliers de « j’aime » et de « j’adore », signifiés par des pouces levés bleus et des cœurs recouvrirent tels des papillons colorés le président frondeur. Cette animation propre aux live Facebook eut alors pour effet de magnifier cette prise de parole engagée.
C’est ainsi qu’en peu de jours, Emmanuel Macron semble s’être imposé comme un général à la tête d’une nouvelle armée : celle de l’humanisme et de la démocratie. Une mise en gloire médiatique pour cet amoureux des Lumières et qui confiait au journal Le 1 en juillet 2015 que la figure du roi manquait dans la politique française, actant que le peuple français n’en avait pas voulu la mort.
Une figure que semble vouloir réinventer le général Macron.
La Pentecôte que nous avons fêtée ce week-end célèbre le moment où, cinquante ans après la Pâques, l’Esprit Saint vint sur les apôtres qui dès lors eurent le courage de quitter la salle du Cénacle où ils s’étaient reclus par crainte des persécutions, et se mirent à témoigner de la résurrection du Christ et à baptiser.
Aurait-on assisté la semaine dernière à la manifestation d’un Esprit Diplomatique ? Macron serait-il l’apôtre d’une France qui ne suit plus mais s’impose et enseigne ?
L’avenir nous le dira.
Bertrand Naivin