Le 30 septembre dernier, Laurent Ruquier recevait l'ex-élue EELV, Sandrine Rousseau pour son livre "Parler" (Flammarion). Elle faisait face à l'écrivain, Christine Angot, devenue chroniqueuse depuis la rentrée pour ONPC. Nous nous souviendrons du clash qui a enflammé les réseaux sociaux et les discutions parfois houleuses au bureau... La violence était telle que personne ne pouvait y rester indifférent. Il y a eu le clan de ceux qui ne voulaient pas participer à la curée médiatique contre une femme Christine Angot, face à ceux qui sauvaient Madame Rousseau, à juste titre ! Mais beaucoup s'accordaient pour blâmer la production, le choix étrange du montage, l'inaction et la non contextualisation de l'animateur star. Quoiqu'il en soit, un débat s'est ouvert.
Hasard du calendrier, France 2 se mobilisait hier contre le harcèlement au travail. Une fiction "Harcelée" primée à La Rochelle et incarnée par Armelle Deutsch. Le téléfilm a été suivi d'un documentaire dans la case "infrarouge" réalisé par Andrea Rawlins-Gaston et Laurent Follea. Le tout orchestré par Marie Drucker. La soirée a rassemblé 3.7 millions de téléspectateurs et 16.3 % de PDA. Autre hasard, l'affaire du producteur américain Harvey Weinstein. L'immense, l'intouchable homme de cinéma hollywoodien est hors circuit. Il vient de se faire virer de sa propre boîte et des langues de plus en plus nombreuses se délient.
Le sujet est devenu en l'espace de quelques jours, le sujet à traiter. Mais comment le traiter ? Comment faire en sorte que nous sortions des imageries habituelles et des idées reçues ? Quel accueil pour quelle parole ? Christine Angot s'insurgeait contre l'image inventée dans la fiction pour évoquer le viol : "Je regarde le film et il y a du papier peint au mur qui se décolle. Il y a un canapé rouge en velours... le velours est râpé et le canapé est défoncé. Ah oui !! Dans les violences sexuelles... le canapé est défoncé ! Autrement dit... cette espèce de laideur... une laideur d'images qui déshonore des femmes qui ont été déshonorées. Moi, je ne suis pas une victime."
Le documentaire diffusé hier "Harcèlement sexuel au travail : l'affaire de tous"/CAPA allait dans le même sens que celui de l'écrivain. Pourquoi ne pas mettre du "beau" pour permettre à la parole de se déployer ? Pourquoi est-ce que le réflexe des cinéastes seraient de poser les femmes dans un cadre dégueulasse histoire d'appuyer sur des leviers inconscients qui traduiraient : "le viol c'est sale, vous n'êtes que des victimes... muettes !"
Andréa Rawlins-Gaston insiste bien sur ce point "Nous on croit au combat collectif à visage découvert. On pense que la honte doit changer de camp pour porter ce message. Les femmes qui ont été des victimes, en effet, ne sont pas traitées comme des victimes dans notre film. Elles sont de réelles porte-paroles. Et pour cela, il faut un écrin qui soit beau pour que les femmes puissent prendre la parole dans la lumière. Ce ne sont plus des invisibles. Le beau n'est pas un gros mot".
Pour lutter contre les clichés, il faut donc une éducation pour confronter les gens à leurs idées reçues. La séduction n'a rien à voir avec des harceleurs tout puissants noyés dans un sentiment d'impunité. Ils n'hésitent pas à glorifier leur virilité malsaine face à leurs proies pétrifiées et vulnérables. Il est temps de faire la différence et d'intégrer les hommes au débat. La force de ce documentaire est son dispositif. Une mise en situation pour que chacun puisse faire face à ses contradictions et ses manques. Guillaume Meurice/France inter aide à accoucher la parole grâce à un quiz.
Nous ne pouvons pas entendre si nous ne comprenons pas.
Nous avons vu à quel point le sujet est sensible. Il touche en profondeur chacun d'entre nous. La société doit donc porter ce débat. Les juristes et autres personnels du Droit devraient, quant à eux, se pencher sur la notion de "Consentement". Notion qui fait toute la différence entre un "viol" et un "harcèlement sexuel". Rappelons que le parquet n'a pas retenu le viol d'une petite fille de 11 ans pourtant bel et bien violée par un homme de 28 ans sur le seul motif "légal" qu'elle ne se serait pas opposée... oubliant ainsi la sidération psychologique d'une enfant.
Cette affaire - révélée par Médiapart - enfle dans l'opinion publique et l'avocate demande une requalification pour "viol". La loi française interdit à tout adulte d’avoir des relations sexuelles avec un mineur de moins de 15 ans. C’est le délit d’« atteinte sexuelle sur mineur » pour lequel est poursuivi le prévenu, punissable de cinq ans de prison et de 75.000 euros d’amende. Ahurissant mais conforme à la loi.
Il est souhaitable que le débat fasse rage et que les mentalités évoluent. Les médias, la fiction et les politiques doivent réagir et investir les conversations. Si le clash "Angot/Rousseau" est le début d'une prise de conscience alors il aura été pénible à suivre et à voir, certes, mais bénéfique...
Reste à espérer que la loi du zapping qui régit notre société médiatique ne balaye pas d'un revers de la main cet épisode.
Yasmina Jaafar