Johnny a posé son style en plein milieu d'une France conservatrice, coincée et qui l'a censuré... parfois. Une France jonchée d'une jeunesse fatiguée de devoir vieillir avant l'heure. Un air de libération et de manifestation gronde. Les élites sont malmenées et l'ORTF, bras armé de L’État, dicte encore pour un temps... la pensée. Johnny a eu la chance de tomber exactement à cette période : il en sera le témoin puis l'emblème. Une transgression figurative : en 1965, il appelle a voter pour Mitterrand contre le Général !
Il est arrivé 24 mois avant les Beatles. Il est le premier artiste français à se produire au Stade de France. Après 1000 titres, 110 millions d'albums vendus, 40 disques d'Or, 50 albums studios, 10 Victoires, 3240 scènes, 30 millions de spectateurs, 36 films et 77 Unes de Paris Match, cet homme s'est montré sans jamais rien dissimuler.
Grande figure de la démesure, de la générosité et de la fête, il a renversé la table en imposant un genre : le Rock ! Il n'a jamais cessé son renouvellement.
Il emporte avec lui une époque marquée par l'insouciance, l'opulence voire l'inconscience.
Johnny a toujours voulu être une STAR avec une seule obsession : ne pas disparaître. Pour durer, il s'est battu et il a su, grâce à une forte intelligence du métier, s'entourer d'un nombre considérable de jeunes auteurs/compositeurs. Impossible d'en faire la liste...
D'allumer le feu (Zazie/Obispo) ou Retiens la nuit (Aznavour) à Requiem pour un fou, Quelque chose de Tennessee (M. Berger) en passant par Cheveux longs, idées courtes (Gilles Thibaut/réponse à Antoine), des auteurs ont su le raconter. Des auteurs qui ont réussi à le sortir du vide. Ouf ! 1966, la vague anti-Johnny rend l'âme et 1969 voit naître Que je t'aime. Tout le pays tombe définitivement amoureux.
Ces paroliers ont su lire en lui, en ses amours, en ses côtés sombres, en la douleur liée au père, en sa petite enfance ballotée de bras en bras, en ses moments d'égarement dans la drogue et l'alcool... Jean-Philippe Smet est un orphelin qui a choisi le peuple français pour famille.
J'espère un enterrement loin de toutes récupérations politiques. Un enterrement national populaire pour un chanteur populaire.
Je n'ai aucune chanson de Johnny Hallyday dans ma playlist. Je n'écoutais pas Johnny Hallyday. Je m'en sentais même loin et pourtant... je suis peinée.
Il y a tout de même un titre que je place au dessus des autres : "On m'a trop donné bien avant l'envie. J'ai oublié les rêves et les mercis. Toutes ces choses qui avaient un prix, qui font l'envie de vivre et le désir et le plaisir aussi". Jean-Jacques Goldman signe ce texte et me rappelle que malgré tout, je possédais moi aussi les chansons de Johnny Hallyday dans mon histoire. Malgré tout, IL fait partie de chacun d'entre nous. Comme Michael Jackson ou Jean Rochefort, Jean D'Ormesson ou Jeanne Moreau, les artistes de cette envergure jalonnent et marquent notre existence.
Je l'ai rencontré à Europe 1 et j'ai compris. Johnny Hallyday n'était pas comme les autres. Ce géant, le French Elvis, avait quelque chose en plus.
Yasmina Jaafar