Propos recueillis par Yasmina Jaafar
Je suis un enfant de la télé. J'adore les médias, et en même temps je perçois des excès. Dans La Fin des idoles, je me suis amusé à les mettre en scène, à confronter différents personnages dans un système médiatique à la dérive qui ressemble fortement au nôtre. J'ai aussi eu envie de questionner ces excès d'une façon inédite, via les neurosciences, et de me demander si un autre monde était possible.
Loana fait preuve d'une résilience qui force l'admiration. Dans sa nouvelle autobiographie, elle positive et n'exprime aucune rancœur, ni contre ses ex pourtant décrits comme des "pervers manipulateurs" qui ont abusé de sa fragilité, ni contre le système médiatique. Sur lequel elle reste lucide : elle raconte être "effarée par l'agressivité, les polémiques et la vulgarité qui sévissent dans ces émissions nouvelle manière" (la téléréalité actuelle). Et met en garde Nabilla : "si la lumière vous attire, sachez aussi qu'elle peut vous brûler et faire très mal'", "même les personnalités fortes se font un jour dévorer par l'ogre qu'est la notoriété".
Du reste, ce que je montre dans La Fin des idoles, c'est que notre système médiatique est celui que nous avons créé. Il exploite nos propres failles, comme ce désir de reconnaissance ancré en nous depuis la nuit des temps et aujourd'hui exacerbé par l'omniprésence des écrans.
Ni début ni terme : la technologie progresse et les tendances préfigurées par le Loft et ses successeurs se transforment et se renforcent avec elle. Désormais, chacun se met en scène et scrute les autres en permanence sur Facebook, Snapchat et consorts. Regardez Jeremstar (qui a inspiré le Jemstar de La Fin des idoles) : il rassemble autant d'audience sur les réseaux sociaux qu'une chaîne de télévision. Chacun à l'échelle de notre public, nous mettons en scène notre propre téléréalité, nous devenons notre propre média.
La fronde anti-Facebook et autres réseaux sociaux est même plus large. Elle concerne aussi la question des fake news. Ou encore la crainte que ces grandes entreprises sachent tout de nous et monétisent nos données pour permettre aux marques de mieux nous cibler. Elles utilisent déjà le neuromarketing pour nous rendre accros aux écrans. Et exploitent en effet notre narcissisme, sans doute au détriment de notre bonheur : nous sommes parfois frustrés, sans le dire, par ceux de nos amis qui semblent plus chanceux que nous et étalent leur succès dans leurs posts. C'est ce que les études ont nommé la Facebook envy, ou Facebook unhappiness …
Pour autant, Facebook et les autres réseaux sociaux nous apportent énormément comme outil de communication. Dans La Fin des idoles, le personnage central, Lyne, ne se révolte pas contre les médias ou ces réseaux (qu'elle utilise avec brio), mais contre ce qui en nous fait qu'ils peuvent parfois nous manipuler et nous rendre malheureux.
J'ai commencé à écrire La Fin des idoles avant de rejoindre la Fnac. Mais en tant que directeur du pôle culture de cette grande enseigne, je me sentais investi d'une responsabilité : réduire le fossé qui se creuse entre les jeunes accros aux écrans et les livres. J'ai écrit celui-ci avec une préoccupation similaire. Je me suis inspiré d'un style audiovisuel, choral et feuilletonnant, qui collait bien avec le thème des médias, afin d'intéresser le plus large public. Du professeur émérite de la Sorbonne (l'un d'eux a chroniqué mon livre) jusqu'au jeune fan de Snapchat ou de Youtube, pour l'amener à réfléchir sur les médias. Et pourquoi pas à découvrir de nouvelles clefs de compréhension du monde : neurosciences, psychanalyse et philosophie.