UNE LETTRE SANS LE SIGLE RIC MAIS AVEC UNE VOLONTÉ DE DÉCENTRALISATION
Hier, dimanche 14 janvier, Emmanuel Macron a publié sa lettre très attendue. Elle sera largement diffusée dès aujourd'hui sur les réseaux sociaux, dans la presse et dans les mairies... 5 pages et 32 questions suggérées. Une façon de cadrer les choses et de border ce grand débat. François Mitterrand en 1988 et Nicolas Sarkozy durant sa campagne de 2007 avaient opté pour une longueur de 35 pages... Contextes et époques différents mais le président tient à dire son engagement et sa volonté de bien faire.
Le président prévient : "ce grand débat n'est ni une élection, ni un référendum". Sans qu'il y ait de "questions interdites", Emmanuel Macron laisse entendre que la conversation est ouverte et qu'elle doit être pleine. Il invite tous les français à se déplacer et promet ensuite "j'ai la ferme intention de tirer tourtes mes conclusions". Tout devra être entendu, compris et pris en compte. Le quinquennat semble se jouer depuis le 17 novembre mais plus encore ces jours-ci. Ce temps de débat ne doit pas être une manipulation pour gagner de temps, elle ne doit pas être non plus une autre promesse non tenue. Tous les corps intermédiaires seront de la "fête", en particulier les maires. Une grande réconciliation s’entame. Ils étaient venus à Paris pour le congrès annuel des maires mais le président n' a pas estimé utile de s'y rendre. Ici, dans ces mots et ces 5 pages, on sent un changement de méthode.
32 questions certes, mais répondent-elles au sentiment d'inégalité ? A la demande de justice fiscale ? Ou sommes-nous d’abord et avant tout dans une refonte de notre système démocratique ? La prise en compte du vote blanc, le rôle du Sénat, le nombre de parlementaires... la demande d'une autre représentativité est entendue. Mais Emmanuel Macron pourra-t-il tenir promesse quant à une autre politique sociale tout en restant dans les engagements européens ? Quoi qu'il en soit, rien ne prévoit dans les mots du président, un changement de "Cap". Et cela, que ce soit lors des vœux ou lors de son exercice de contrition du 10 décembre, il reste fidèle à sa politique et ne reviendra pas sur l'ISF. Il garde le "Cap" et plus encore... Évoquer la fixation d'un "objectif annuel" quant à l'immigration - qui devait être un sous-sujet mais qui prend là une place plus importante - c'est aller chercher des sympathisants plus loin à droite... les conseils de l'ancien président Sarkozy semblent portés leurs fruits....
Garder le cap, c'est s'assurer de garder son socle. Garder le cap, c'est garder une légère chance aux européennes. Mais garder son cap, c'est aussi, rester fidèle en ce à quoi il croit. "Ma détermination n'a pas changé." Ce qui traduit une légère contradiction avec la formule "aucune question ne sera interdite"... Un "en même temps" visible...
Mais si la question de l'ISF est LA demande majeure qui ressort de ce débat ? Que faire ? S'il recule sur ce qui a fait son élection, que restera-t-il de ce jeune président ? Une jeunesse et une in-expérimentation qui le pousse à dire le vendredi 11 janvier que les français devraient avoir davantage le "sens de l'effort". Une petite phrase à l'endroit des gilets jaunes à quelques heures d'un neuvième samedi de mobilisation. Est-ce à dire qu'à 40 ans, plus aucun changement n'est possible ?
LE TON...
Emmanuel Macron signe "En confiance" et le ton général de la lettre est teinté d'un peu plus d'humilité. Stop au lyrisme habituel. Une froideur apparente pour être factuel. Choisir l'écrit pour exprimer une vision n'est pas anodin. L'écrit engage et reste. Le premier magistrat de France laisse de côté - pour combien de temps - sa verticalité légendaire pour plus d’horizontalité. La décentralisation marquera peut-être le début d'un nouveau "contrat social". La colère est entendue par le gouvernement et par tous les français. Les attentes seront grandes ou le scepticisme plus grand encore.
La séquence qui s'ouvre devrait rassembler les élus et les français. Certaines oppositions comme le PS et Olivier Faure sont partants, d'autres non comme Alexis Corbière... C'est pourtant une occasion de faire cohésion. Comment ne pas paraitre hors jeux en ne participant pas à ce débat ? Cette opposition FI qui a couru derrière le mouvement des GJ ne veut plus aujourd'hui prendre place dans un instant démocratique rare...
Utopie ou réel point commun ?
Durant sa campagne, au travers le mouvement en Marche, Emmanuel Macron disait, martelait même, "chacun doit être responsable et maître de sa vie". Le crédo des Gilets jaunes est aussi "Nous voulons reprendre le sens de nos vies". Peut-être que tout cette révolte est un immense malentendu ? Dans la lettre, Macron fait bien ce vœu d'une France différente. Son diagnostic était le bon durant la campagne, mais la mise en œuvre a déçu ! Charles Peggy disait "Il n'y a rien de pire qu'une âme habituée". En effet, nous devons sortir de méthodes anciennes qui n'ont pas fait leurs preuves. Des politiques les unes derrière les autres qui ont creusé les écarts entre les français. Mais le débat doit avoir lieu. Les français en colère et les autres ne devraient pas le bouder. Depuis le 17 novembre, un vent de révolte souffle sur le pays et l’international nous regarde et RT France en profite pour mettre de l'huile sur le feu... en donnant une image très négative de ce qui se passe en France. Cette période inédite nous pousse à d'autres réflexions. Il est visible que le peuple devient citoyen. Plutôt que de viser un homme, ce débat est une occasion de viser les erreurs faites depuis plus de 40 ans dans ce pays. Repenser la redistribution, la démocratie, la représentation, la fiscalité... Sortir des attaques ad hominem pour l’intérêt général de la France et ne pas sombrer dans un bavardage vain...
Une question se pose : qui va faire remonter les discussions ? Quelle organisation est prévue ? Quel cadre sera défini ? Que va-t-il en sortir ? Sera-t-il manipulé ? Soutenu ? Suivi ? Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon, respectivement ministre chargé des collectivités territoriales et secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, ont la charge d’animer les consultations. Deux ministres du gouvernement... un choix étrange... mais l'exécutif promet une indépendance au travers d'un "comité des garants". Soit. Puis deux ministres pour "animer" des débats qui auront lieu partout en France... étonnante méthode.
La France est en crise et non en guerre civile comme peut le prétendre une opposition irresponsable. Une crise politique qui demande du dialogue. L'hexagone est habitué aux débats et sait débattre. Les français aiment le verbe et l'action politique. Ce peuple n'est pas consensuel et veut participer. Mais le temps manque. Le calendrier n'est pas aisé. Coincé entre une démission, une dissolution et l’échéance des européennes, Emmanuel Macron n'avait guère le choix. Alors... à suivre.
Notons pour conclure qu'après les batailles des cagnottes, nous assistons aux batailles des lettres en la personne de l'opportuniste Laurent Wauquiez. Lui qui sombre dans un néant abyssale et qui n'a pas su rassembler son camps, le patron de LR publie lui aussi ce matin une lettre sur facebook. Un document à charge contre le président... A qui te tour ?