Raymond Santana, Kevin Richardson, Yusef Salaam, Korey Wise et Anton McCray... sont les cinq jeunes noirs accusés à tord en 1989 dans "l'affaire de la joggeuse de Central Park".
RAPPEL DES FAITS
Le soir du 19 avril 1989, une jeune femme new-yorkaise, blanche, classe moyenne se fait agresser dans Central Park à Manhattan. Un viol sauvage. Rien n'est épargné à Trisha Meili : crâne enfoncé, œil quasi exorbité, des séquelles définitives - mémoire défaillante et de sérieux problèmes d'élocution... Trisha et l'Amérique entière resteront marqués par ce que les spécialistes et l'ancien maire de New-York Ed Koch ont nommé "Le crime du siècle".
Un groupe de jeunes noirs se baladaient dans le parc cette nuit là. Cinq d'entre eux seront pris à partie et ils devront répondre de ce crime atroce devant une Amérique assoiffée de "justice" fut-elle aveugle. Ces cinq noirs là répondent "aux signalements". Quel signalement ?...
Ils seront arrêtés entre la 10ème rue et Central Park.
CONTEXTE POLITIQUE...
L’enquête sera menée par la procureur Linda Fairstein... Cette femme est en charge des dossiers de crimes sexuels et de violences envers les femmes et les enfants. Nous sommes au beau milieu des années Reagan. New-York connait des ravages provenant du crack et de la violence. La ville est sous tension, et ce qui s'y passe inquiète une population prête à entendre toutes les manipulations médiatiques et politiques pour se sentir apaisée.
A cette même période, plusieurs viols d'une brutalité rare sont perpétrés. Des viols de femmes blanches, mais aussi - et bien plus nombreux - de femmes noires. Cette violence existe encore et toujours partout : Au brésil une femme est tuée toutes les deux heures comme le précise cet article...
Ces années là sont les années de la toute puissance made in USA. Ronald Reagan souhaite une Amérique forte financièrement 2 ans seulement après le Krak de 87. Le capitalisme fait rage et la richesse de certains vient se confronter à la pauvreté d'autres. Les écarts se creusent et les tensions sociales sont vives.
En France, la réussite financière est incarnée par Bernard Tapi. Outre atlantique, c'est un certain Donald Trump qui témoigne des années fric... Prospérer est la seule consigne valable. Prospérer aussi pour faire oublier un passé qui trahit et qui ronge. Celui d'une Amérique meurtrie par des siècles d’esclavage et de ségrégation. Dans cette affaire, il existe de façon évidente des relents de racisme et une volonté farouche de calmer des citoyens craintifs. Vient s'ajouter à cela, une course politique pour l'obtention de la ville de New-York. Il fallait rassurer la population "blanche" au détriment de cinq innocents.
Linda Fairstein en première ligne décide de n'écouter que ses préjugés et son aveuglement raciste. Raymond Santana, Kevin Richardson, Yusef Salaam, Korey Wise et Anton McCray sont auditionnés sans qu'aucune règle de droit ne soient respectées. Les parents absents, les avocats absents, une police déterminée à mentir, une procureur obsédée... tous les ingrédients sont eux absolument présents pour mettre en cellule ces cinq jeunes noirs. Ils sont montés les uns contre les autres. Ils ne se connaissent pas. Ils avouent contre la promesse d'être libérés. Ils entrent de force dans la machine judiciaire et du système américain. Plus personne ne peut grand chose pour eux. Cinq destins broyés...
Le président actuel des États-Unis, D. Trump... joue un rôle fondamental dans cette affaire en achetant pour 85 000 Dollars une page dans les quatre plus gros tirages presse pour demander la peine de mort. L'opinion publique finit ainsi d'être manipulée le 1er mai 1989 avec ce titre : "BRING BACK THE DEATH PENALTY. BRING BACK OUR POLICE"... et au magnat financier de conclure : "Je déteste ces braqueurs et ces meurtriers. Ils doivent souffrir. Quand ils tuent, ils doivent être exécutés. Ils doivent servir d’exemples pour que les autres y réfléchissent à deux fois avant de commettre un crime de la sorte". Lui qui a indiqué que les mexicains étaient tous des violeurs et lui qui est sous le coup de plusieurs accusations pour viol. "Voilà ce que je portais il y a vingt-trois ans quand Donald Trump m’a agressée dans une cabine d’essayage du grand magasin Bergdorf Goodman" vient de déclarer la célèbre chroniqueuse du ELLE US, E. Jean Carroll.
WHEN THEY SEE US... LA SÉRIE NETFLIX
Netflix diffuse depuis le 31 mai 2019, la mini-série "When They See Us", d'Ava DuVernay. La réalisatrice et showronneuse américaine a voulu raconter l'histoire de cette injustice. Une injustice bien plus qu'une simple erreur judiciaire. Beaucoup savaient. Ce n'était pas une erreur. Mais une belle et cynique manœuvre politique pour une course au pouvoir. En quatre épisodes DuVernay pose un tableau navrant de cette époque là avec parfois, il faut l’avouer, une nette intention de faire mouche en tirant sur les cordes sensibles ce qui contribue à faire jaillir l'émotionnel...
Ça marche ! La série bien plus que le documentaire de Ken Burns, David McMahon, Sarah Burns "The Central Park Five" produit son effet. La fameuse Linda... a dû démissionner des ses postes, un boycott est réclamé sur Facebook pour que plus personne ne se procure ses livres à succès puisque la dame est devenue à la suite de son retrait en 2002, une romancière "émérite" plusieurs fois décorée - et ce malgré les questionnements qui subsistent autour de ses méthodes d’enquêtrice.
La fiction gêne évidemment D.Trump qui refuse de s'excuser. Il persiste même dans ses accusations. Mais cet événement audiovisuel fait naître de multiples réactions sur les réseaux sociaux qui viennent un peu plus abîmer l'image d'un Président en pleine campagne. Sa cote monte aux États-Unis mais pas seulement, les français sont de plus en plus nombreux à trouver cet homme efficace. "Le probable candidat Républicain à l’élection américaine de novembre prochain pâtit dans l’opinion publique française d’un rejet massif. Seules 11% des personnes interrogées par l’Ifop pour le JDD déclarent en avoir une bonne opinion alors que 80% en ont une mauvaise (9% ne le connaissent pas). Cette très faible popularité se confirme quel que soit le segment démographique." IFOP 2016 et ... "65% des Français ont une mauvaise opinion de Donald Trump. Un chiffre néanmoins en recul de 16 points en un an". EUROPE 1, 2018...
Il est celui qui rompt les codes et qui tient ses promesses... Il est celui qui a redressé l’Amérique... dire cela c'est faire fie du travail fait par son prédécesseur Barack Obama. Dire cela c'est oublier la politique étrangère de provocation mettant à mal tous les équilibres de relations internationales. Dire cela c'est accorder du crédit à un homme misogyne, raciste, provocateur et dangereux. Ava Duvernay le montre dans l'épisode 2 de la mini-série rappelant ainsi le rôle néfaste qu'il a joué dans cette affaire de la joggeuse de Central Park.
LES AVEUX DE MATIAS REYES
En 2002, rattrapé par la foi... Reyes, LE violeur de Trisha Meili se dénonce et permet par là même la libération des cinq innocents. Ils recevront 41 millions de dollars à se partager. Sortir de prison après 7 à 13 ans selon les intéressés est une chose... Certes. Mais recommencer sa vie. Voire la commencer étant donné l'âge précoce auquel ils ont été enfermés fut d'une immense difficulté raconte Bruns dans son film documentaire. Comment se nettoyer d'une affaire si médiatisée ? Comment mettre son regard en face de ceux qui vous certifient coupable ? Comment expliquer sa version alors que l'Amérique ne supporte pas et à juste tire, les délinquants sexuels... le crime par excellence dans un pays puritain et conservateur ? Comment devenir tout simplement.
Le New-York d'aujourd'hui est plus sûr mais une certaine violence est toujours présente. La justice condamne à tort et le couloir de la Mort est rempli d’innocents... Cette série permet de se rafraîchir la mémoire. La fin est "victorieuse"... La peine de mort tant désirée par Trump n'est pas. Mais d'autres histoires similaires existent. Ava Duvernay propose le questionnement pile au moment où le pays est dirigé par un homme quasi certain de sa réélection...