Primée au Victoires du Jazz en 2019 et nominée en 2018 et 2021, Naïssam Jalal sort son nouvel album le 31 mars prochain. "Healing Rituals" offre un univers onirique et poétique qui nous incite à prendre soin de nous.

Rencontre :

Combien de temps mettez-vous pour réaliser un album ?

D’abord il y a l’envie, l’idée. Elle met du temps à mûrir. L’idée de ce répertoire a germé en 2017. J’ai commencé à écrire la musique en 2020. Les premières répétitions ont eu lieu en 2021 avec un premier concert en sept 2021. Puis on a alterné des concerts avec des nouveaux moments de répétition tout au long de 2022 pour enregistrer en septembre 2022 pour une sortie fin mars 2023

La musique et le corps ne font-ils qu'un ? 

Il n’y a pas d’âme sans corps ni de corps sans âme. Une âme sans corps est l’âme d’un corps mort. La musique parle à l’un et à l’autre, agit sur l’un et sur l’autre. Le groove qui s’adresse au corps emmène l’âme et l’esprit dans la transe nécessaire à la libération. Le silence qui s’adresse à l’âme et à l’esprit mène le corps à l’apaisement. 

Comment vous est venu l'idée de faire un album autour du soin du corps et de l'esprit ? 

Il s’agit, en effet, d’un album autour du soin. Il part du postulat que nous souffrons. Soit que la maladie nous affaiblie, nous ronge, soit que la société nous abîme, nous épuise. Nous avons besoin de nous faire du bien, de nous soigner, pour résister aux différentes formes de souffrances morales ou physiques auxquelles nous faisons face.

Vous êtes proche de la nature. Elle a repris ses droits durant le confinement et les changements climatiques secouent la planète. Les français sont-ils suffisamment conscients de ces évolutions ? 

La nature est au centre de mes rituels de guérison car l’énergie de ses éléments nourri nos cœurs et nos corps de leurs bienfaits. Le problème qu’on a avec la nature c’est qu’on l’envisage comme un élément parmi d’autre dans le champ de ce qui existe pour nous. Alors que la nature c’est nous. Nous sommes une espèce de la nature. Nous avons besoin d’elle pour survivre. Nous manquons profondément d’humilité. Quand j’entends des gens dire qu’il faut sauver la planète ça me fait doucement rire. Nous sommes bien arrogants de croire qu’on va sauver la planète. Nous sommes ceux qui abîment la planète, qui croyons pouvoir soumettre le vivant aux impératifs du marché et de nos intérêts économiques. La planète continuera après nous comme elle a continué après les dinosaures. Si nous devons sauver quelqu’un c’est plutôt l’humanité en arrêtant de porter préjudice à la planète et aux autres espèces du vivant qui l’habitent avec nous. 

Décrivez-nous votre quatuor ? Qui sont ils ? 

Des musiciens talentueux, doux, à l’écoute. Nous avons tous des parcours très différents. Claude Tchamitchian est un musicien avec qui je travaille depuis 2017. Il est le contrebassiste de mon trio Quest of the Invisible. Nous avons fait plus de 100 concerts ensemble et la complicité et le chemin parcouru ensemble nous permet de jouer dans une relation de confiance profonde. Nous avons déjà accompli ensemble un travail et une réflexion sur la place qu’on laisse au silence dans la musique qui était au centre de ce précédent projet qui vient nourrir aujourd’hui le répertoire de Healing Rituals. Clément Petit est un violoncelliste qui s’est beaucoup intéressé aux musiques africaines et son jeu est très personnel. Zaza Desiderio est un batteur dont le jeu est aussi très personnel. Il a un son très clair et une capacité à faire des nuances très douces ce qui n’est pas toujours évident pour un batteur. 

Crédits photos : Naïssam-Jalal- by Seka et Healing Rituals 1 - by Jérôme Prébois.