Pour la première fois sont réunis en un volume, les textes des 376 chansons que Allain Leprest a lui-même enregistrées ou que d’autres artistes ont gravé sur disque. Une somme présentée par Didier Pascalis, son ami et producteur, qui en signe la préface (L'Archipel). Nous l'avons rencontré pour en savoir plus pour évoquer l'immense travail du poète disparu le 15 août 2011 :
Qui était artistiquement et philosophiquement Allain Leprest ?
Allain Leprest est un auteur de chansons né le 3 juin 1954 en Normandie. Très tôt, il s’essaie à la chanson et est identifié comme un auteur exceptionnel. Il rencontre Jean Ferrat qui le fait venir à Paris et signer dans sa maison de disque. Il écrira pour Juliette Gréco (Le pull-over) et Linda De Souza (On était pas riche). Auteur prolixe, il n’était pas vraiment carriériste et chantait beaucoup dans les cabarets. La grande découverte eut lieu au Printemps de Bourges 1985, le propulsant comme un nouveau Brel. C’est là qu’il rencontre Romain Didier avec qui il partagera 25 ans de création. Électron libre, d’une lucidité extraordinaire (Quand j’ai vu, j’bois double), l’alcool était un compagnon avec lequel il cheminera toute sa vie.
Comment a-t-il construit son œuvre ?
C’était un grand travailleur, les bistrots étaient ses lieux de vie ; au travail dès le matin, il ne manquait pas de lire toute la presse et était averti de tout ce qui se passait dans le monde. C’ était un érudit. Toujours en train d’écrire sur quelque support à sa portée, soit dans un cahier (qu’il perdait régulièrement), soit sur des nappes en papier de restaurant, jusque sur des tickets de métro. Un jour, dans un bistrot, un client le voit avec ses journaux, ses notes et son verre de vin et lui dit : « Ah, pardon, tu travailles « il était l’artiste reconnu. Du coup, à chaque rencontre, il se mettaient à écrire. Il y a ainsi un nombre incalculable de textes donnés par Allain, que ce soit aux artistes venus le voir ou aux amis de rencontre.
Il y avait aussi la préparation des disques à enregistrer. Il allait souvent chez Romain Didier, en deux jours, trois ou quatre chansons pouvaient voir le jour. Certaines ont mis des années à aboutir, d’autres quelques heures, tel « SDF »
Quels sont ses thèmes de prédilection ?
La vie, celle de tous les jours. Que ce soit l’attente de l’amoureux assis à une table de bistrot d’une amoureuse, qui, saison après saison, ne viendra pas (Les Tilleuls), la méditation d’un regard sur la mer (Y a rien qui s’passe)
Les volutes bleues de la cigarette de son père (La Gitane), ou bien la poésie métaphorique la plus belle qui soit (Où vont les chevaux quand ils dorment). Tout le nourrissait ; de la beauté du monde, de celle des gens et par une écriture simple, épurée, parvenait à faire écho chez l’auditeur à des sentiments ressentis et touchant l’âme.
Peut-on tout dire dans une chanson ?
Difficile de répondre à votre question. Dans le cas de Leprest, même s’il abordait les sujets les plus noirs, je pense à D’Osaka à Tokyo, la forme littéraire la plus délicate permettait d’évoquer le tumulte sans le nommer, c’est là une forme de sons génie, puisque,c’est bien de cela qu’il s’agit.
Sont-elles le reflet d'une époque ?
Ses chansons sont intemporelles. Rares sont celles où il s’inscrit dans l’époque. Peut-être quand il aborde les sujets politiques (Sacré Coco), ou écologiques (Quand auront fondu les banquises). Les exemples sont très peu nombreux, faisant de son travail une œuvre intemporelle.
Quels sont vos 3 titres préférés signés Leprest ?
- SDF
- Où vont les chevaux quand ils dorment
- Une valse pour rien qui me bouleverse à chaque écoute.
Photo Une : @Arthur Hubert Legrand