JUL - Silex and the city : "Le mieux serait sans doute de dissocier l’idée de « progrès » et l’idée d’« évolution »"

Par
Yasmina Jaafar
31 août 2024

Jul fait du cinéma ! Sa fabuleuse série Arte devient un film. Au cinéma à partir du 11 septembre, vous allez pouvoir suivre les aventures de cette famille préhistorique sur fond de sujets sociétaux concernants. Le progrès, la sur-consommation, les rapports humains... l’œuvre est ambitieuse et réussie.

Votre fable raconte les effets du progrès et l'une des idées principales de votre film porte sur la surconsommation. Que représente la fameuse Clé coudée ?

En effet, le film est une allégorie du culte du progrès, qui imagine que tout ce qui est nouveau va forcément être positif. C’était drôle d’utiliser le cadre préhistorique pour parler de cette gloutonnerie, et de mettre en parallèle la clé coudée IKEA, symbole vraiment de la consommation de masse d’aujourd’hui avec la frugalité absolue de l’âge des cavernes. Et puis, cette clé sert vraiment à tout, un peu comme les silex, à l’époque, et en même temps, chacun projette sur elle toutes ses névroses : la gauche radicale paléolithique imagine que cela va détruire le capitalisme, les suprémacistes facho que cela représente leur symbole ; les juifs, les chrétiens, les musulmans, et les hare-Krishna de la Préhistoire en font une divinité, les adeptes de l’art contemporain en font l’icône absolue ; cela devient un objet psychanalytique, un fantasme sexuel, etc... 

L'animation a quelles majeures différences avec la BD ? 

C’est un travail collectif immense, une véritable petite cathédrale dessinée, contrairement à la bande dessinée qui est très solitaire. Il y a toute cette dimension de rythme, de sons, de musique, et plein de références à une cinématographie qui n’aurait pas pu prendre place dans un album… Et puis, pour un long métrage d’animation, on est un peu moins franco-français dans le traitement des thèmes, on est plus universel…

Le co-réalisateur est Jean-Paul Guigue. Comment vous êtes-vous partagés les tâches ? 

Le plus expérimenté de nous, c’est évidemment Jean-Paul, qui avait déjà réalisé la plupart des saisons de la série courte sur Arte ! Ma spécialité, outre l’écriture des scénarios, était beaucoup dans la direction des comédiens et des Comédiennes, le respect du tempo, certains choix éditoriaux… Jean-Paul avait l’œil le plus aiguisé pour l’animation elle-même, les cadrages, le découpage : c’est lui, l’œil acéré, et moi je suis plutôt l’oreille. On est à la fois complémentaires, mais on a incroyablement fonctionné de manière fluide. Et c’était assez nouveau pour moi.

Les voix sont celles de Frédéric Pierrot Guillaume Gallienne Michel Vuillermoz Clément Sibony Denis Ménochet Noémie de Lattre Sophia Aram Lison Daniel Alex Vizorek, Agnès Hurstel et François Hollande. Un casting 3 étoiles. Avez-vous eu du mal à convaincre ? 

Les cinq saisons de la série sur Arte avaient déjà eu un grand succès, et donc la plupart des personnes sollicitées connaissaient déjà bien cet univers : certains faisaient déjà partie de la troupe, dans l’esprit de « famille », tel qu’il pouvait y en avoir à l’époque des Nuls ou des Deschiens…

Ce sont des voix et des personnes que j’apprécie énormément, et que j’admire en général, et qui nous ont rejoint parce qu’elles partageaient l’esprit du projet, et que cette petite expérience était à la fois singulière et un peu folle.

Le progrès est synonyme de quoi pour vous ? Avancée, recul, danger... ?

En bon historien, je sais bien que la notion de « progrès » n’a pas toujours existé, c’est quelque chose de très contextuel… Et en bon anxieux, comme tous les humoristes, je suis toujours effrayé par les surprises que cela peut apporter. Les mythes de Prométhée et de Dédale, en filigrane dans le film, sont très emblématiques de cela : cette espèce de fuite en avant où une découverte chasse l’autre en essayant de régler le problème de la découverte précédente, comme une espèce de course folle et aveugle.  Finalement, le mieux serait sans doute de dissocier l’idée de « progrès » et l’idée d’« évolution »!

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Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique. 

Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.
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