Rim Battal : "Les femmes marocaines ont été mes plus grands modèles d’émancipation par leurs combativité, leur détermination et leur courage face à l’adversité, leur humour, leur intelligence et leur inventivité"

Par
Yasmina Jaafar
9 janvier 2025

Après "Vingt poèmes et des poussières" (2015), "Latex" (2017) et "Transport commun" (2019), l'artiste poète, photographe, peintre et auteure Marocaine Rim Battal publie un sublime roman sur la famille, la liberté et l’émancipation des femmes alors que le Royaume vient d'annoncer des changements et une évolution du code de la famille. Rim Battal, qui en France et au Maroc, nous parle de son dernier livre, de ses femmes modèles et de son pays.

De la poésie au roman, qu'est-ce qui vous a donné envie de sauter le pas ?

Depuis ma position d’écrivante, je ne me vois pas sauter particulièrement. Même s’il s’agit de deux façons différentes d’appréhender la langue, ça reste deux formes littéraires majeures qui ont chacune leur rôle, sont deux canaux différents pour articuler un discours, une narration, une esthétique. Avec "Je me regarderai dans les yeux", j’avais envie de raconter une histoire d’un seul souffle, avec la simplicité formelle du roman contemporain parce que le sujet l’exige et que ça m’amuse.

Vous abordez les thèmes de l'adolescence, de la sexualité féminisme et de l'amour. Mais il s'agit aussi de rébellion et d'envie de liberté. Parlez-nous de votre héroïne. 

Mon héroïne est une adolescente sans histoires qui teste un peu les limites du cadre imposé en s’accordant quelques libertés. Ces quelques libertés vont lui couter cher mais c’est précisément ce coût-là qui va lui permettre de grandir, de déployer un regard, une éthique et des désirs qui lui sont propres, de s’émanciper des exigences familiales et sociales.

La famille est-elle le lieu de la tradition perpétuée ou un cocon de confiance ?

C’est toujours un peu les deux. C’est fonction de la rigidité et la littéralité avec laquelle une famille considère la tradition mais aussi à quel point l’enfant correspond aux normes sociales en vigueur. Si l’enfant est queer par exemple et que la famille applique les traditions sans souplesse et sans intelligence, la famille risque de ne pas être un cocon de confiance. Si la famille est à l’écoute, met l’amour et le bien-être de ses enfants au-dessus de tout, trouve la meilleure façon de les accompagner, l’enfant sera le meilleur ambassadeur des traditions puisqu’il les gardera vivantes et inventives.

Quelles sont vos influences marocaines ? Quelles femmes pour quelles trajectoires ?

Les femmes marocaines ont été mes plus grands modèles d’émancipation par leurs combativité, leur détermination et leur courage face à l’adversité, leur humour, leur intelligence et leur inventivité. Et je pense autant à des femmes de ma propre famille qu’à des figures nationales telles que les comédiennes Latifa Ahrar, Nisrin Erradi, feu la militante Aicha Ech-chenna, les journalistes Aicha Sakhri et Nadia Lamlili, la diplomate et femme politique Latifa Akharbachh qui a également dirigé l’ISIC, l’école de journalisme dans laquelle j’ai fait mes études à Rabat, des femmes de lettres et artistes telles que Yasmina Chami, mon éditrice marocaine Yasmina Naji, etc. Toutes constituent les phares qui ont éclairé mon chemin pendant que se construisait la femme que je suis devenue aujourd’hui.

La fin d'année 2024 marque une avancée et une évolution des lois marocaines avec la mise en vigueur d'une seconde Moudawana qui a déjà connu une grande réforme en 2004 (code de la famille marocain). Votre sentiment ?

Je ne peux qu’accueillir avec joie la nouvelle Moudawana. Il y a évidemment quelques améliorations, des ajustement à venir, des positions plus fermes concernant l’héritage, le droit à l’IVG par exemple mais vu l’évolution du pays ces dernières années, je suis très confiante quant à son avenir proche et la place que les femmes vont y occuper.

Photo Une : Guillaume Belveze Abitbol

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Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique. 

Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.
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