Après avoir travaillé auprès des plus grands chefs tels que Philippe Million, Guy Martin, Jacques Pic, Alain Senderens, Philippe Excoffier est appelé par le gouvernement américain en 2001. Il devient le chef de La résidence de L'ambassadeur des États Unis à Paris durant dix ans. Aujourd’hui, il est à la tête d'une adresse redoutablement confortable. Un accueil exceptionnel et une cuisine toute aussi délicieuse est à la carte de son restaurant Excoffier Père et Fils. Son fils, c'est Sacha. Tous deux réinventent le soufflé, pièce fondamentale du patrimoine culinaire français. Nous l'avons rencontré pour parler art de la table, technicité et pouvoir d'achat.
Alberville est votre terrain de jeu d'enfance. Est-ce dès cette époque que le terroir vous plaît ?
Je suis né à Albertville et j’ai passé mon enfance à Courchevel principalement. J’aime cette région savoyarde de terroir nichée entre montagnes et lacs d’Annecy et du Bourget, sans oublier les stations de skis comme Méribel. Une région riche en produits du terroir et où les habitants aiment bien manger.
Quel membre de votre famille vous initie à la cuisine ?
Ma mère, qui était une femme au foyer et cuisinière hors pair. Nous étions une famille de cinq enfants. Elle préparait les repas en choisissant les légumes dans le jardin potager familial et les fruits du verger. Nous avions aussi des poules, des lapins, des pigeons. J’ai été éduqué à l’entretien du jardin potager, au respect de la terre et du verger . Les enfants devaient participer à la cueillette des fruits et légumes : tomates, haricots, pommes de terre, asperges, carottes endives, salades, petit pois, pommes poires et bien d’autres. Nous avions la chance d’avoir un potager bien garni. Et de plus, nous allions chez les maraîchers aux alentours à la recherche de beaux fruits et légumes de saison pour nourrir cette famille éduquée au plaisir de la table. Jeune, j’arrachais discrètement les herbes aromatiques du jardin que j’ajoutais au civet de lapin que ma mère préparait pour le déjeuner de famille Nous allions en montage ramasser les myrtilles et les framboises, et cueillir les cerises en saison pour en préparer des conserves et confiture.
Excoffier, c'est donc une affaire de transmission. Qui y a-t-il derrière Excoffier Père et fils ?
Excoffier père et fils, c’est une histoire de famille. Mon fils Sasha a comme moi l’envie de perpétuer la tradition française et le sens du partage. Nous avons développé la transmission des valeurs simples et l’envie d’entreprendre.
Quand et comment vous est venue l'idée de revisiter le célèbre Soufflé ?
Les soufflés se sont imposés dès l’ouverture du restaurant. Ce quartier dans le très chic 7eme arrondissent de Paris regorge de chefs réputés. J’ai souhaité me démarquer rapidement, proposer autre chose. Les soufflés sucrés, que je maîtrisais à la résidence de l’ambassadeur des États-Unis, ont pris très vite leur place à la carte de mon restaurant et ont été ma marque de fabrique personnelle. Puis sont venus les soufflés salés.
Quelle technique enveloppe le terme "Suissesse" ?
Le soufflé suissesse est tiré du guide culinaire d’Auguste Escoffier, cuisiner des rois et rois des cuisiniers. Ce terme indique que la base du soufflé et sa sauce crémeuse comportaient du fromage Suisse. Et que ce soufflé est cuit à basse température dans un petit moule à dariolle. Nous avons retravaillé la recette afin de la décliner au fromage, aux truffes, à la volaille, au potiron et gorgonzola, au boudin noir, au homard, etc… beaucoup de variantes sont possibles ; Nous ajoutons des tuiles de parmesan pour donner du croustillant et des herbes fraîches pour rehausser le goût. Nous avons apporté une touche de modernité et de gastronomie à ce met traditionnel et familial, celui au fromage de la maman, qu’il fallait servir à la minute car sinon il retombait aussi vite qu’il était monté.
Votre méthode est reprise par les plus grands chefs. Que ressentez-vous ?
Je n’ai rien inventé. J’ai seulement repris une recette ancestrale et je l’ai développée à ma façon. Ma seule force est de le décliner et de le proposer à la carte pour 50 couverts.
Vous savez surprendre les papilles de vos convives par une belle créativité. Comment souhaitez-vous faire évoluer votre carte en 2025 ?
Ma carte évolue au fil des saisons et les soufflés proposés vont s’inspirer des fruits et légumes du moment. Ainsi les asperges arrivent fin février et seront agrémentées de parmesan, de beurre blanc, de ciboulette. Voilà une belle idée de recette de soufflé à venir pour le printemps.
Le soufflé est également un plat romantique voire charnel. Préparez-vous un menu spécial Saint-Valentin ?
Le menu de la saint Valentin sera naturellement inspiré par les soufflés !! et agrémentés par des mets nobles spécialement sélectionnés pour cette occasion. En entrée ce sera un soufflé aux Truffes melanosporum et en plat un soufflé au homard servis avec une bisque crémeuse infusée au gingembre et curry impérial.
En évoquant la suavité… d'où vous vient cette tendresse particulière pour les sauces ?
Un bon plat même bien réalisé n’est pas très intéressant s’il n’est pas accommodé d’une bonne sauce. J’ai eu la chance d’apprendre avec mes maîtres d’apprentissages à réaliser les bases de fond blanc, fond brun, sauce et glace de viande indispensables à un plat de cuisine française. C’est d’ailleurs cela qui nous démarque des autres cuisines du monde.
Que gardez-vous de vos douze années au service de l'ambassade Américaine ?
La tradition française perpétuée à la table de l’ambassadeur des États-Unis se devait de représenter l’excellence, que ce soit pour les présidents américains invités à Paris ou les nombreuses personnalités françaises et américaines conviées pour les déjeuners et dîners organisés par l’ambassadeur. Ce fut une expérience incroyable de diriger les cuisines de cette résidence très privée et unique à Paris durant 10 belles années.
Les habitudes ont changé depuis la crise sanitaire à laquelle vient s'ajouter la crise financière. Mais cela ne vous empêche pas de nouveaux défis. Sasha se lance seul à son tour. Une nouvelle adresse non loin de la vôtre. Dîtes-nous en davantage ?
Le Covid a bouleversé les habitudes et le comportement des Français. La capitale fait les frais du télétravail avec des déjeuners d’affaires beaucoup moins nombreux qu’auparavant. De même, le budget des familles est impacté par l’inflation et nous oblige à nous adapter avec un ticket moyen à la baisse. Aujourd’hui plus qu’hier, le client regarde, compare. Il veut le prix juste. Les gens sortent moins et quand ils sortent, ils sont plus enclins à partager entrées ou desserts, quand on ne fait l’impasse sur ce dernier. Pour autant, la gourmandise demeure en passant un bon moment.
Quant à Sasha, il va vivre sa propre aventure, en développant les Soufflés d’Excoffier acte 2 dans une nouvelle adresse. La force de notre travail réside dans la pérennité de la tradition française avec un concept unique que peu de gens peuvent réaliser à la maison
Dans une période difficile ce concept avec des prix abordable demeure un des atouts indispensables pour durer.
Philippe Excoffier : 18 Rue de l'Exposition, 75007 Paris
Crédit photo du chef Excoffier et Une : Francis Hamond