Shola Lynch ravive nos souvenirs avec le documentaire Free Angela and all Political Prisoners, en salle depuis le 3 avril 2012. Flash back sur les deux années où Angela Davis devient une icône médiatique et un emblème pour la liberté à tout prix.
Le 7 août 1970,un juge trouve la mort lors d'une tentative de libération d’un membre des black Panthers. Angela Davis, alors prof à l’université de San Diego est traquée par le FBI. La jeune femme noire, féministe, militante de la section du Che-Lumumba Club au sein du Parti communiste américain, enseigne la philosophie et la littérature. Ses convictions marxistes font d'elle une cible toute trouvée : elle sera suspectée d’avoir fourni les armes. Il n’en fallait pas moins à ce tempérament de feu pour graver en elle un engagement profond et définitif.
Elle échappe à la peine de mort de peu, grâce à la mobilisation nationale puis mondiale d’une population en noir et blanc choquée et fatiguée de toutes ces exactions à l’encontre des afro-américains. Les années 60 sont justement l’instant de l’Histoire où un vent de colère gronde dans toute l’Amérique. Cette certitude que le peuple Noir reste assujetti aux Blancs, cette pensée nausée abonde que la différence fait loi, cette folie inhumaine qui convoque les actes les plus vils et empreints de haine se meure. Il est temps de lever le poing haut et fort. De crier que sa place n'a aucun prix et que l’accès aux mêmes droits une forme obligation non négociable. "Depuis des années dès qu’un noir tente de lever la voix, il est assassiné" cette phrase prononcée par Angela annonce son envie vitale de changer les choses.
Les choses vont effectivement changer mais presque malgré elle ! Elle vit 22 mois d’enfer entre des avocats motivés à la sortir de ce traquenard et un Nixon bien décidé à la voir morte, assise sur LA chaise. L’Amérique de cette époque est coincée dans ses travers et ses mauvaises habitudes. Elle compte sur ses vieilles lubies pour assener des vérités jamais fondées.
Le travail de Shola Lynch est léché et précis. La réalisatrice enferme ces moments d’angoisses dans une bulle/bande-son de qualité et des images d’archives poignantes : on s’y croirait.
Une longue percée dans les moments tendus... d’un procès presque perdu d’avance vu l’ambiance de l’époque et le poids léger de cette philosophe au style européen. Angela a vécu en Allemagne et fume des Gauloises. Un véritable OVNI pour ceux qui ne cherchent surtout pas à la comprendre. Elle gène et doit disparaître.
Jean Genet, lui, saisit ! Il saisit le parole haut et fort dans le documentaire de Carole Roussopoulos en 1970, pour clamer l’innocence de la jeune militante et pointer de la voix les travers d’une administration abusive et corrompue : "C’est aux libéraux blancs, c’est à la nation que je m’adresse. Vous vous êtes aperçus que les noirs sont intelligents. Depuis que vous savez qu’ils vous dépassent dans la réflexion révolutionnaire, vous avez décidé… Et je redis le mot « décidé »… de les anéantir. (…) Vous essayerez de faire disparaître Angela Davis. Donc tout est en place : vos flics qui ont déjà tiré sur un juge de façon à mieux tuer trois noirs… Votre administration, vos magistrats, s’entraînent tous les jours pour massacrer des Noirs. D’abords les Noirs, tous. Ensuite, les Indiens qui ont survécu. Ensuite, les Chicanos. (…) Il restera après votre passage la pensée et les idées d’Angela Davis et du Black Panther"
50 ans après, Angela est la même. Elle reste combative. Que devait être son émotion le 4 novembre 2008, puis le 6 novembre 2012, lorsque le 44e président des États-Unis d'Amérique, Barack Hussein Obama II est élu sous une pluie de cris heureux.
Après le merveilleux Tarentino, "Django Enchained", après le très éducatif Spielberg, "Lincoln", je souris devant cette autre œuvre qui traite encore de la condition des noirs sur le nouveau continent… Et le locataire du bureau ovale, qu’en pense-t-il ?
YJ