Mardi 1er Avril - J'ai eu la chance d'être conviée à la projection du deuxième volet du docu-fiction "Ils ont tué Jean Jaurès". Après un premier épisode "Jaurès, naissance d'un géant" diffusé en 2005 sur France 2, France 5 organisait cette autre rencontre au Grand Auditorium de la Bibliothèque Nationale de France François Mitterrand à 19h30, suivi d'une visite de l'exposition "Eté 14" qui court depuis le 25 mars à la BNF.
2014 est donc le triste anniversaire de la première Grande Guerre mais aussi de l'assassinat de Jean Jaurès par Raoul Villain le 31 juillet 1914 au restaurant Le Croissant, 146 rue Montmartre à Paris. 52 minutes de reconstitution, d'images d'archives et d'entretiens de spécialistes d'Histoire qui seront diffusés courant mai.
Le Maître du pacifisme est tué seulement trois jours avant la première guerre mondiale. Villain est-il manipulé ? Est-il juste dérangé ? Qui a réellement mis fin aux jours du seul homme qui luttait contre cette ineptie guerrière ? 100 ans après, la question reste entière. La productrice Fabienne Servan-Schreiber a choisi l'acteur Philippe Torreton pour incarner LA figure historique. Il est l'artiste du projet évinçant les autres. Il ajoute une force et une volonté au film. Jean Jaurès est un personnage investi d'une mission. Il est un homme qui a vécu la fureur d'une époque, bloqué dans une société où une droitisation extrême pousse au conflit. On comprend qu'il n'y a aucune part de hasard dans la tragédie de cette disparition. Triste disparition.
Mercredi 2 avril - Le cinéma en prend pour son grade. Mais la production TV n'est pas en reste. La Cour des comptes pointe du doigt les incohérences du financement du cinéma français. Dans un rapport nommé "Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, des changements nécessaires" on note que le financement du 7ème art confinerait à ce truc improbable qui vise à mettre en danger le cinéma si le système ne connaissait pas de réforme. "La dépense publique en faveur du secteur, en forte croissance depuis dix ans, est insuffisamment maîtrisée" estime La Cour. Le secteur audiovisuel "bénéficie d'un système de soutien sans équivalent en Europe" avec 800 millions d'euros d'investissements des chaînes de télévision en 2012 et des aides publiques frôlant 332 millions d'euros. Pourtant, le retour sur investissements et les "performances" se montrent en dessous de ce qui devrait être.
Les chaînes se défilent faute d'audience. Les fictions ne font plus recette. Seul Canal+ résiste. Selon La Cour de comptes, il serait souhaitable de mettre l'accent sur les grosses structures de production dotées d'un savoir-faire inégalé pour créer des produits de haute qualité générateurs d'audience et facilement exportables. Autre recommandation : "procéder à un resserrement des critères de qualification du documentaire susceptible d'être aidé", ou de "consacrer une part plus importante des aides sélectives du CNC à la phase d'écriture". En effet, l'écriture est une phase primordiale dans la construction d'une œuvre. Je m'étonne toujours de voir que les français sont les plus gros consommateurs de fictions et séries made in USA alors que les chaînes restent frileuses de tentatives nouvelles. les "pools" d'auteurs comptent de nombreux scénaristes et dialoguistes. 1 ou 2 auteurs pour faire des économies n'a jamais suffit dans l'élaboration de "House of cards" ou " Grey's Anatomy" (LA série préférée des français) par exemples. La France exporte déjà mieux qu'il y a quelques années, puisque nos héros prennent les atours de personnages enviables et désirables. "Braquo" est déjà vendu dans 80 pays alors que "Mafiosa" dans 90 pays. Quant à "Profilage", Les italiens en sont fous.
La fiction TV a su se moderniser et se vendre. La Cour espère que la fiction cinéma connaîtra la même évolution. Le système de financement français est solide mais demande à être quelque peu assoupli pour permettre une création plus fluide et répondre à un public en constante évolution. Produire moins mais mieux... La rue Cambon a parlé : "1.6 milliards d'euros" c'est trop ! (données obtenues en ajoutant les taxes prélevées sur les diffuseurs et affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée et les aides des régions...). Le coup de gueule du producteur Vincent Maraval contre le gaspillage en terme de salaires des acteurs, entre autres, semble donner des suites...
Le rapport ne fait pas la loi mais le changement c'est peut-être maintenant.
Yasmina Jaafar