Le mot Malodj' vient de l'association du nom de deux styles de musiques traditionnelles. Le Maloya d'abord, musique des esclaves de l'île de la Réunion qui est jouée lors des services Kabaré à l'époque. Cette musique de liberté et d'espoir qui rassemble est aussi le blues des réunionnais qui permet d'exprimer sa rage, son désespoir... Etant né aux Seychelles, j'ai immédiatement vibré à l'écoute de mon premier concert de Maloya, en 1997. Et le Pagode (prononcer Pagodj'), musique de Rio au Brésil, qui s'apparente à la Samba mais en petite formation, souvent acoustique. Les rythmiques des ancêtres africains se mêlent à l'élégance des harmonies d'origine portugaise. Lors de mon premier voyage au Brésil en 2002, j'ai remarqué l'importance que les brésiliens accordent à leurs musiques et à leurs traditions en général. J'ai choisi Malodj' comme nom de scène car il représente mon bagage musical et humain. Malodj' comme une idée du mélange.
Le terme « un monde en Guer'vitude » (mélange entre « servitude », « guerre » et « habitude »), m'est venu naturellement comme une représentation de l'ambiance que je reçois au quotidien. A travers les médias, leur omniprésence, nous recevons une image souvent déformée, car subjective, et formatée de ce qui se passe autour de nous. A mon sens, en devenant routine cette vision nous fait « dramatiser » le quotidien et vivre dans un monde de peur, de paranoia. Sur ce titre, « Ali », je souhaitais simplement chanter ce constat et dire à quel point des choses simples, le partage, manger, créer, dire bonjour à un ami, nous relient et peuvent être source de bonheur. Dénoncer me parle moins que décrire ce qui m'entoure pour mieux conscientiser ma propre réalité.
Les textes de mes chansons proposent souvent plusieurs lectures, chacun peut se les approprier pour se faire sa propre idée « d'un monde ». Je pense qu'il y a autant de mondes que de regards sur le monde. J'entends par là que la vision de chacun prévaut sur une possibilité de réduire la vie à une seule réalité. Je crois que nous sommes arrivé à une société ou l'apparence, les faux semblant nous asservissent et influencent notre manière de percevoir ce monde. Bien qu'il me paraisse de plus en plus incontrôlable, j'ai sur lui un regard toujours positif car je suis quelqu'un de résolument optimiste. Si je suis un chanteur engagé, d'une certaine manière, c'est dans l'envie de transmettre une idée de liberté, d'introspection, de conscientisation propre à chacun, une manière pacifiste pour essayer de nous transcender, d'évoluer. Je crois en une ré-évolution des consciences, de l'éducation qui nous amènerait ensemble à un éveil sur ce qui nous entoure. En ce sens, la poésie, la création, l'artisanat, l'art en général me paraissent être une alternative humaniste et une proposition intelligente face au regard biaisé par l'intérêt, le pouvoir... Mes inquiétudes se portent vers les personnes qui n'autorisent pas le changement et notamment le changement intérieur auquel nous avons droit. Enfin, je vois un rôle capital dans la jeunesse de tous pays et de tous âges et avec qui je travaille régulièrement. Ils sont rempli d'une energie, d'une intelligence et d'une lucidité telles, qu'elles me portent litterallement. Ce sont mes professeurs! C'est pour cela que je privilégie les expériences à leurs côtés, mu par le besoin de découvrir, d'aller vers les autres et par l'envie.
Je suis le fils d'une métisse, chinoise née à Shangai et française de Normandie et d'un père musicien dont les origines pyrénéennes remontent au Brésil! Je suis né aux Seychelles et une grande partie de mon enfance s'est déroulé dans le vieux Nice, berceau d'un métissage et d'une multi-culturalité qui m'est chère. J'ai aussi goûté enfant à la côte d'Ivoire, au Népal, à la Norvège et ensuite mes voyages adulte ont semé en moi un véritable patchwork d'idées et de couleurs! Cette richesse me permet de conserver une certaine ouverture d'esprit, de diversifier mes points de vue, de me remettre en question, de me sentir humain en somme.
La chanson « Y'a tant » évoque la manière dont je reçois « le monde ». Le manque d'espoir de la part de nos dirigeants, de nos éducateurs, nos « pères » symboliques. C'est vrai que nous avons une réputation de « râleurs » mais de pessimistes je ne savais pas. Nous sommes un pays de revendications et ou la parole est relativement libre. Aujourd'hui c'est avant tout les médias qui donnent une image négative de la situation économique et de l'évolution de nos droits sociaux. Alors que ce pays est riche de toutes les cultures et de toutes les luttes qui l'ont traversées, il faut rester conscient de la qualité de nos vies quand la majeure partie de notre planète vit dans des conditions précaires, voir de survie.
5 années, de 2009 à 2014 puis, un an avant de pouvoir l'offrir à Paris, centre névralgique de la diffusion nationale. J'ai beaucoup appris pour la création de cet album mais pour les prochains je souhaiterais que cela dure moins longtemps! Bohélem est un album « riche en fibre », comme j'aime à en plaisanter! Il est nourri par mes influences musicales et humaines ainsi que par celles des nombreux musiciens et artisans techniciens qui y ont participé.
Danyèl Waro, Césaria Evora, Titi Robin, Bonga, Stromae, Femi Kuti, Sierra leone's refugge all stars, Seu Jorge, Alain Souchon ... Tous les artistes de musiques du monde, traditionnelles, amplifiée, actuelles … qui donnent de leur âme pour laisser entrevoir l'invisible. Toutes les musiciens qui donnent...
Jérémie Malodj' sera en concert le 29 mai 2015 au Baiser Salé - 19h.
"Bohélem" sorti 2 Juin 2014 chez L'AUTRE DISTRIBUTION.
Yasmina Jaafar