Ce qui est intéressant avec la mélancolie, c'est qu'il n'y a pas de définition. Plus je me penche sur le sujet et plus je me rends compte que la définition a changé tout au long de l'Histoire : dans l'antiquité, elle était considérée comme la marque du génie ; chez les romantiques, elle a été vue comme une source d'inspiration ; puis elle a aussi été perçue comme une maladie et une folie, bien plus tard... donc chacun a sa propre définition.
La mélancolie est synonyme de dépression nerveuse. Elle a un connotation négative mais il y a aussi une mélancolie douce quand on parle par exemple de la "saudade", cette notion dans la culture brésilienne ou portugaise... Même aujourd'hui, il y a autant de mélancolie que de personnes
et elle permet même de le définir. C'est très riche, le spectre des mélancolies est infini. Certains de mes invités vont être portés par elle, d'autres vont être terrifiés et paralysés et certains la provoquent ou se complaisent dedans.
Je pense que certaines mélancolies peuvent se rapprocher du désespoir. Mais il y a peut-être une différence : le désespoir impose une non lutte, on peut baisser les bras et glisser doucement vers l'indicible. Et en même temps, il y a quelque chose de magnifique dans le désespoir : tout changement radical dans une vie ne peut s'opérer qu'une fois qu'on a touché le fond. Mais parfois j'aimerais bien marchander avec le sort et lui dire "s'il te plait, donne moi la leçon directement sans me laisser toucher les abîmes". Mais ça ne marche pas parce qu'il faut d'abord être complètement désespéré pour ensuite rebondir.
Je suis un tempérament mélancolique et j'aurais aisément préférer choisir de ne pas l'être. Ensuite, ça me constitue : je suis mélancolique depuis ma naissance. J'ai différents états : parfois ça m'accable, à d'autres instants, c'est un moteur avec un sentiment d'urgence de sortir de cet état. D'où l'idée de l'émission "Remède à la mélancolie".
L'injonction au bonheur est une blague, une farce ! Je défie quiconque de venir me dire que sa vie est un perpétuel "bonheur". Que celui qui l'a rencontré me donne le contact. Plus sérieusement, je crois que dans notre société occidentale, nous avons terriblement peur de tout ce qui est négatif : la mort, la maladie, la souffrance. Je le comprends mais nous ne pouvons pas y échapper. A force de vouloir l'éloigner, on a une sorte d'hygiénisme moral et psychologique. Même les relations amoureuses en sont affectées. Dès que quelque chose ne va pas, on arrête ou on fuit ou on jette. Nous n'arrivons plus à transcender le problème parce que c'est terrible et ça demande des efforts. C'est antinomique avec une société du zapping où tout va vite, trop vite. D'autant que ce n'est pas à la mode d'être sensible.
Les deux, la joie et la mélancolie ! Si quelque chose nous fait réagir, quelle soit positive ou négative, c'est que ces sentiments résonnent en nous. Et par ces biais, nous en apprenons sur nous-même.
Les auditeurs me disent que quels que soient mes sujets, qu'ils soient populaires ou pointus, je fais mon maximum pour les rendre accessibles. Ils semblent ravis de ne pas être pris pour des cons. Pour moi, c'est le plus beau des compliments parce que je suis une vraie autodidacte et le nombre de fois où je me suis retrouvée devant des gens snobs et incompréhensibles est hallucinant. J'ai appris à dire "Stop ! Je ne comprends pas ce que vous dites" sans aucun complexe. Ensuite, en ce qui concerne la télévision, j'avoue que je suis une adepte des archives de l'INA sur internet. On peut tout y retrouver, les émissions de Pierre Dumayet ou encore les avis de l'amoureux des livres Henri Guillemin... C'est un régal qui me rappelle que la télévision ne propose plus du tout ces objets-là aujourd'hui.
Enfant, mes parents m'ont poussé à lire, c'est vrai. Mais je me suis mise sérieusement aux livres seule et ça me donnait du plaisir. J'ai aussi eu des profs assez décourageants et quand on sait que la donne change dès que l'on est regardé correctement par un enseignant passionnant... J'ai aussi découvert les bibliothèques avec l'école et je suis tombée en amour pour les livres et la littérature.
Il faut lire dès son plus jeune âge ! J'ai passé ma vie dans les bibliothèques municipales. Je milite pour que cela soit entendu : c'est gratuit, libre service ! L'amour des livres ça se nourrit. La vie est lourde et pesante et on peut trouver une part de joie et de beauté dans les livres. C'est accessible à tous quel que soit le niveau social !
L'écrivain Philippe Djian.
J'aime les invités qui aiment transmettre, donner et partager. Je souhaite des personnes avec une belle âme et un univers. La générosité doit être présente pour transmettre des choses aux auditeurs.
Yasmina Jaafar