L'Algérie, un pays fondamentalement indépendant, une nation vectrice d'un équilibre Nord-africain. Mais entre de multiples arrestations ce week-end de capitaines d’industries et le boycott des partis d'une réunion politique le 22 avril, l’élection algérienne du 4 juillet devient-elle une hypothèse ? Cette semaine, l’éditorialiste politique Karim Zéribi et l’essayiste et romancier Boualem Sansal donnent leur regard sur laruchemedia.com.
Né à Avignon, de parents français d’origine algérienne, petit-fils par ailleurs d’une provençale française de souche. Quelle relation entretenez-vous avec l’Algérie ?
Dans mon esprit il n’y a et Il n’y a jamais eu aucune ambiguïté, je suis Français. Je suis tellement en phase avec l’idéal républicain et laïque de mon pays qu’il ne peut en être autrement. Par ailleurs, ma relation à l’Algérie qui prend racine dans mon histoire familiale provoque chez moi un sentiment d’attachement et d’affection particulier pour ce pays. Aussi, tout en reconnaissant la douloureuse séquence historique liée à la colonisation puis à la guerre d’Algérie qui a permis l’indépendance de ce grand pays, j’ai toujours défendu l’idée que la France et l’Algérie devaient cesser de regarder dans le rétroviseur. Une nouvelle relation plus fraternelle et plus sincère reste à établir dans l’intérêt de ces deux nations dont les destins sont liés à jamais. De la relation Franco- Algérienne dépend, selon moi, la force d’un axe Euro-Méditerranéen et Euro-Africain durable, capable de relever les défis démographique, climatique et économique qui se présentent à nous et qui ne peuvent désormais plus attendre. L’Algérie c’est un grand pays avec lequel nous devons travailler dans une relation que je qualifierai de privilégiée. À ce jour tout reste à faire...
Vous travaillez aussi avec l'Algérie. Avez-vous été surpris par ce réveil ?
Il fallait s’attendre tôt ou tard à un sursaut du peuple algérien face à un système qui n’a jamais agi au service des citoyens de ce pays. Depuis l’indépendance, la démocratie et les richesses ont été confisquées par des clans qui n’ont agi que pour s’enrichir, sans aucune limite et sans jamais penser développer les potentialités extraordinaires de ce grand pays. Le peuple algérien a traversé des décennies de douleurs et de désillusions depuis près de 60 ans. Un sursaut de ce dernier était à prévoir sans que l’on sache quand, comment et pour quelle finalité...? Depuis peu nous avons deux réponses à ces trois interrogations sur le devenir algérien.
Tayeb Belaïz, président du conseil constitutionnel vient de démissionner. Pensez-vous que l’élection du 4 juillet se déroulera comme annoncée ?
La société civile doit s’organiser pour préparer l’élection présidentielle du 4 juillet prochain. Cette échéance doit permettre l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants politiques mais également de renouveler les représentants des forces vives et des corps intermédiaires indispensables au bon fonctionnement d’une démocratie. Le peuple doit exiger les conditions d’un scrutin transparent et profiter de ce laps de temps pour se préparer à incarner et porter cette nouvelle Algérie.
Connaissiez-vous les algériens si matures, si pacifistes et si renseignés ?
Je m’attendais à un soulèvement populaire tôt ou tard en Algérie mais j’avoue avoir été surpris par l’état d’esprit de ces millions de manifestants. Le calme, le civisme et le pacifisme exprimés par cette masse de femmes et d’hommes ont impressionné tous les observateurs qu’ils soient algériens ou étrangers. Le peuple algérien a démontré que l’on pouvait faire reculer un clan au pouvoir non par la violence mais par la détermination et la mobilisation de la masse. Avec la démocratisation du net qui permet une ouverture sur le monde malgré les carcans imposés par le régime la jeunesse algérienne sait aujourd’hui ce qu’elle ne veut plus et ce à quoi elle aspire. C’est tout le sens de ce soulèvement massif et pacifique exceptionnel. Le peuple a fait preuve d’un niveau de maturité qui nous a tous surpris, on ne peut que s’en réjouir.
D’ailleurs, quelles suites imaginez-vous ?
Le potentiel de ce pays est immense. L’Algérie possède non seulement un sol fournisseur d’énergies fossiles mais n’a jamais exploité depuis près de 60 ans, par l’ineptie et l’incompétence de ces dirigeants, ce qui pourrait en faire un pays à la pointe au niveau mondial... L’Algérie possède un désert susceptible de produire de l’énergie renouvelable pour une partie de l’Europe et de l’Afrique. L’Algérie est un pays qui possède un potentiel agricole hors norme en mesure d’en faire un des plus gros producteurs de fruits et légumes (conventionnel et bio) au monde pour alimenter le marché euro- africain. L’Algérie possède enfin une jeunesse qui représente un potentiel humain extraordinaire dans les domaines industriels et celui des NTIC (Les nouvelles technologies de l'information et de la communication). Avec autant d’atouts je veux croire que sortira du processus en cours des femmes et des hommes de qualités capables d’insuffler la dynamique de ce que j’appelle La Nouvelle Algérie.
L'armée peut-elle penser se retourner contre les manifestants ?
Je ne le crois pas. La relation entre le peuple algérien et l’armée nationale populaire est forte depuis toujours. Ce lien a été démontré ces dernières semaines. L’armée se pose en garante des intérêts de la nation. D’ailleurs le chef d’état major de l’armée algérienne qui avait eu des propos assez sévères et autoritaires au tout début des manifestations a changé de ton vis à vis du peuple et s’attache désormais à devenir celui qui veut lutter contre la corruption et se mettre au service d’une Algérie plus démocratique et plus transparente. J’ajoute que l’armée algérienne joue aussi un rôle majeur dans la lutte contre le terrorisme et le fanatisme, ennemi de l’Algérie, au cours d’une décennie noire que les algériens n’oublieront jamais.
Est-ce de bon augure que de faire le parallèle entre les mobilisations algériennes et le mouvement des Gilets Jaunes ?
Non, comparaison n’est pas raison lorsque certains tentent de mettre en parallèle ces deux mouvements. Que ce soit sur le plan démocratique ou sur les aspects économiques et sociaux il n’y a rien de commun entre les deux régimes politiques. En Algérie, il y a un clan qui s’est accaparé le pouvoir depuis 20 ans et qui voulait continuer à l’exercer alors qu’en France nous avons un jeune président qui n’a pas pris en compte la nécessité de faire évoluer le modèle mis en place par ces prédécesseurs. Crise de régime (institutionnel et démocratique) d’un côté face à la crise d’un modèle (fiscal et social) qui creuse les inégalités de l’autre. Après, il est vrai que nous avons d’un côté des millions de personnes qui manifestent pacifiquement en Algérie face à quelques milliers de personnes, infiltrés par des ultra violents, qui provoquent un désordre sans précédent en France... Les préjugés ont du plomb dans l’aile lorsque l’on compare les deux situations et les comportements qui vont avec.
Nous sommes au 23ème samedi "Gilets Jaunes", comment lisez-vous cette colère avec le recul ?
Le président de la république et le gouvernement ont manqué de discernement dès le début du mouvement des gilets jaunes. La stratégie du pourrissement et les tentatives de disqualification de ce mouvement populaire et légitime au départ n’ont pas fonctionné, bien au contraire. Ensuite, il y a eu une rupture de confiance entre les manifestants et l’exécutif. Le grand débat a connu un succès relatif et même mitigé car ce ne sont pas les personnes en souffrances et en colères qui sont venus s’exprimer ou contribuer au débat d’idées. Il faut désormais des réponses politiques de sorties de crises fortes du président de la république si l’on veut retrouver une France apaisée. Il doit refonder notre modèle fiscal pour le rendre plus juste et plus lisible et proposer un nouveau contrat social capable de valoriser et mieux récompenser le travail car de nombreux français issus des classes moyennes et populaires s’interrogent aujourd’hui sur l’absence de sens lié à la valeur travail. Enfin le président doit prendre en considération la réalité des travailleurs et retraités pauvres qui ne parviennent plus à boucler les fins de mois.... L’urgence sociale et l’urgence écologique ne doivent plus être opposées mais abordées dans le cadre d’une approche globale.
Ancien député européen, aujourd'hui chef d'entreprise et éditorialiste pour le groupe Canal Plus. Vous avez eu plusieurs vies. La somme de toute ces expériences vous permet-elle de mieux appréhender les troubles de notre société ?
Il est évident que l’expérience acquise et le vécu lié à certaines fonctions ou situations enrichissent un propos et une analyse qui dépassent le cadre de la théorie. J’ai toujours été un homme engagé sur plusieurs fronts : politique, associatif, économique et médiatique. En France on adore mettre les gens dans les cases et attribuer des titres en fonction des diplômes. À ce niveau là, je casse tous les codes et mon parcours atypique ressemble plus à ce qui se pratique chez les anglo-saxons puisque je suis un autodidacte qui est passé par une carrière de footballeur à une fonction de conseiller du ministre de l’intérieur puis de conseiller de président d’une grande entreprise publique, puis je suis devenu élu local et Député Européen, pour occuper ensuite la fonction de président d’une entreprise de transport de 3400 salariés et exercer enfin dans le domaine des médias la fonction d’éditorialiste dans l’émission les Grandes Gueules sur RMC durant 14 ans ! Aujourd’hui j’interviens sur Cnews et C8... Ce parcours de vie atypique d’une grande richesse est d’une utilité certaine lorsque je me retrouve à devoir donner mon avis sur n’importe quel sujet.
Vous êtes, avec Cyril Hanouna, à l'origine du concept de l'émission de deuxième partie de soirée sur C8 "Balance Ton Post". Revenons à la genèse et racontez-nous cette collaboration ?
Lorsque j’ai quitté les Grandes Gueules, Raymond ABOU, un ami commun à Cyril Hanouna et moi-même nous a proposé de nous mettre en contact car nous avions une estime réciproque à travers ce que l’on faisait sans même nous connaître. Dès le premier rendez-vous, nous avons échangé sur ce que nous pouvions faire ensemble et quand j’ai proposé à Cyril Hanouna de créer une émission de débat de société hebdomadaire, il a immédiatement intégré l’idée et en deux heures le concept de "Balance Ton Post" est né.
Le programme a connu quelques changements depuis septembre. Quel bilan faites-vous au terme de cette première saison ? Une saison marquée par les GJ et le grand débat.
L’émission "Balance Ton Post" à fait des scores d’audience magnifiques alors que rien n’a vraiment permis de fidéliser un public autour de notre concept. En effet nous avons changé de jour en cours de saison en passant du vendredi au jeudi et lorsque l’on annonce une émission à 22h30 le jeudi on prend très souvent l’antenne après 23h un jour de semaine avec des téléspectateurs qui travaillent le lendemain. De plus, si le prime n'est pas une locomotive suffisamment puissante, nous démarrons assez bas. Ce qui ne nous permet pas de partir avec un socle de téléspectateurs fort. Enfin les téléspectateurs n’ont pas compris pourquoi l’émission n’avait pas lieu certaines semaines. En dehors de cela notre équipe est bonne, l’ambiance est excellente entre nous ainsi qu’avec la production. Nous sommes tous heureux de nous retrouver chaque semaine.
Quelles sont vos aspirations pour la saison prochaine ?
Je prends plaisir sur Cnews et C8 à décrypter, analyser et débattre de la situation politique et des questions de société qui font l’actualité quotidienne de notre pays et au-delà. Je n’ai pas encore entamé de discussions pour la saison prochaine sur Cnews et C8 mais ce qui est certain c’est que j’ai envie d’aller plus loin dans le cadre de mes activités Médias. Je resterai ouvert à toutes les opportunités télé et radio car j’avoue qu’en parallèle de mon rôle d’éditorialiste politique et société en TV, je replongerai bien dans une aventure radio pour relever un défi... Je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi une radio comme Europe1 n’investissait pas plus dans le Talk show comme l’a fait RMC qui a retrouvé des couleurs et une belle audience grâce à ce type de formule où se mêlent l'actu, la politique et le sport.