Banlieusards est le premier film de Kery James, rappeur de 41 ans et figure importante, depuis son adolescence, du rap français dit « engagé » d’abord au sein de collectifs tels que la Mafia K’1 Fry ou Ideal J puis en solo. Le titre de ce film reprend celui d’un de ces morceaux les plus fameux sorti en 2008 au sein de l’album À l’ombre du show business, album dans lequel il collabora notamment avec Charles Aznavour.
Pourfendeur de l’islamophobie (lui-même est converti à l’islam), critique du virage commercial pris par le rap et des grandes stations hip-hop telle que Skyrock – qu’il attaque régulièrement dans ses morceaux – virulent envers les décideurs politiques (écoutez les paroles de Racailles sorti en 2016, véritable hymne « gilet-jaune » avant l’heure), Kery James n’est pas parvenu à faire financer son film en passant par les circuits habituels. Bien que son scenario eut différents prix, aucune chaîne ni même le CNC n’accepte de financer l’œuvre ce qui retarde la réalisation du projet. Ainsi, l’artiste tire, entre temps de son scenario, une pièce de théâtre qu’il joue au théâtre du Rond-Point pendant plusieurs mois.
C’est la célèbre plateforme Netflix qui accepte de financer le projet et permet au film de voir le jour le 12 octobre dernier après cinq ans de galères.
Co-réalisé par Leïla Sy, collaboratrice fidèle du natif d’Orly, le long-métrage se déroule en grande partie en banlieue parisienne (Tournage dans la cité du Bois-l’Abbé à Champigny). Kery James lui-même, bien qu’originaire d’Haïti, a grandi en banlieue parisienne, à Orly, dans le même département que Champigny
La scène du concours d’éloquence, qui a inspiré à Kery James sa pièce de théâtre A Vif, met donc aux prises Soulayman et Lisa, deux apprentis avocats
Les personnages principaux de Banlieusards sont trois frères, les Traoré : Demba (Kery James), l’aîné, délinquant rejeté par sa mère mais admiré par le benjamin, Noumouké (Bakary Diombera), collégien colérique ; enfin, entre les deux se situe Soulayman (Jammeh Diagana), élève avocat qui a pris ses distances avec son aîné et tente de veiller tant bien que mal sur son petit frère. Les deux plus jeunes vivent avec leur mère qui les élève seule depuis la mort de son mari. L’histoire se déroule sur un court laps de temps, au début de l’été, alors que Noumouké s’apprête à passer le brevet et que Soulayman se prépare à un concours d’éloquence dans le cadre de sa formation d’avocat. Le sujet de ce débat : « L’État est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues en France ? ». Soulayman doit soutenir que Non, l’État n’est pas seul responsable, assimilant un tel avis à une forme de victimisation et mettant en avant l’autodétermination des banlieusards.
La préparation du concours d’éloquence, correspondant au temps de l’action, va s’avérer quelque peu chaotique pour Soulayman, son petit frère s’attirant des problèmes. Sa mère épuisée, il doit se résoudre à se rapprocher de son grand-frère, ce contre-modèle pour lui. Celui-ci, loin de la caricature du voyou, s’avèrera un personnage ambivalent, capable du pire, mais sans qu’il en soit pour autant déshumanisé, une scène marquante du film met l’accent sur cette double-facette que le talent d’acteur de Kery James souligne. Entre d’une part son grand frère et d’autre part Lisa (Chloé Jouannet), son adversaire au concours d’éloquence, originaire d’un tout autre milieu que le sien et avec qui naît un début de relation, Souleyman est comme partagé. Torturé entre un milieu qui l’attire mais dont il constate qu’il ne veut pas de lui et un autre milieu, le sien, dont il rejette les dérives mais auquel il reste attaché.
La scène du concours d’éloquence, qui a inspiré à Kery James sa pièce de théâtre A Vif, met donc aux prises Soulayman et Lisa, deux apprentis avocats. Se déploie au cours de celle-ci tout un argumentaire politique. Au discours victimaire porté par la jeune femme, déroulant un argumentaire juste quoique éculé, Soulayman lui répond par cette diatribe, présente dans la bande-annonce : « Lorsque deux banlieusards plongés dans le trafic de drogue entrent dans une guerre pour des raisons strictement pécuniaires et que cette guerre abouti à la mort de l’un d’entre eux, est-ce l’État qui fournit l’arme à l’assassin ? Lui ordonne ou presse son doigt malgré lui sur la détente ? ».
Ici on ne peut s’empêcher de penser à Demba, le grand frère qui apparaît donc comme responsable de son destin. L’idée est que l’on ne peut pas tout remettre sur le dos de l’État. Celui-ci a bien des responsabilités mais se cacher uniquement derrière l’État apparaît comme la solution de facilité. En effet, la présence même de Soulayman dans ce concours d’éloquence, son parcours d’étudiant, tend à prouver qu’à force de volonté on peut s’en sortir. Le risque d’un tel discours néanmoins, s’il a l’avantage de montrer que n’importe qui peut s’élever, est de faire croire que n’importe qui aurait pu s’élever, de faire culpabiliser ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas allés au bout de leurs études, ont à un moment donné lâcher, suivi une autre voie. Ce discours, qui existe dans le débat public et qui consiste à montrer quelques rares exemples de réussite professionnelle de personnes issues de milieux populaires pour mieux dire aux autres : « vous voyez, vous auriez pu réussir, ça ne tenait qu’à vous », n’est néanmoins pas celui de Banlieusards. En effet, le film montre, à la suite d’une scène au cours de laquelle Soulayman subit un contrôle policier, comment celui-ci, rattrapé par la réalité de la vie en banlieue, se met à rejeter l’État, reprenant pour lui-même devant son miroir, les paroles de Lettre à la République, morceau engagé et controversé de Kery James…
Chronique de trois Banlieusards, trois frères aux fortunes diverses, ce film met en avant la diversité de la banlieue, filmée comme rarement, avec justesse, par la banlieue.
Les personnages principaux de Banlieusards sont trois frères, les Traoré : Demba (Kery James), l’aîné, délinquant rejeté par sa mère mais admiré par le benjamin, Noumouké (Bakary Diombera), collégien colérique ; enfin, entre les deux se situe Soulayman (Jammeh Diagana), élève avocat qui a pris ses distances avec son aîné et tente de veiller tant bien que mal sur son petit frère. Les deux plus jeunes vivent avec leur mère qui les élève seule depuis la mort de son mari. L’histoire se déroule sur un court laps de temps, au début de l’été, alors que Noumouké s’apprête à passer le brevet et que Soulayman se prépare à un concours d’éloquence dans le cadre de sa formation d’avocat. Le sujet de ce débat : « L’État est-il seul responsable de la situation actuelle des banlieues en France ? ». Soulayman doit soutenir que Non, l’État n’est pas seul responsable, assimilant un tel avis à une forme de victimisation et mettant en avant l’autodétermination des banlieusards.
La préparation du concours d’éloquence, correspondant au temps de l’action, va s’avérer quelque peu chaotique pour Soulayman, son petit frère s’attirant des problèmes. Sa mère épuisée, il doit se résoudre à se rapprocher de son grand-frère, ce contre-modèle pour lui. Celui-ci, loin de la caricature du voyou, s’avèrera un personnage ambivalent, capable du pire, mais sans qu’il en soit pour autant déshumanisé, une scène marquante du film met l’accent sur cette double-facette que le talent d’acteur de Kery James souligne. Entre d’une part son grand frère et d’autre part Lisa (Chloé Jouannet), son adversaire au concours d’éloquence, originaire d’un tout autre milieu que le sien et avec qui naît un début de relation, Souleyman est comme partagé. Torturé entre un milieu qui l’attire mais dont il constate qu’il ne veut pas de lui et un autre milieu, le sien, dont il rejette les dérives mais auquel il reste attaché.
La scène du concours d’éloquence, qui a inspiré à Kery James sa pièce de théâtre A Vif, met donc aux prises Soulayman et Lisa, deux apprentis avocats. Se déploie au cours de celle-ci tout un argumentaire politique. Au discours victimaire porté par la jeune femme, déroulant un argumentaire juste quoique éculé, Soulayman lui répond par cette diatribe, présente dans la bande-annonce : « Lorsque deux banlieusards plongés dans le trafic de drogue entrent dans une guerre pour des raisons strictement pécuniaires et que cette guerre abouti à la mort de l’un d’entre eux, est-ce l’État qui fournit l’arme à l’assassin ? Lui ordonne ou presse son doigt malgré lui sur la détente ? ».
Ici on ne peut s’empêcher de penser à Demba, le grand frère qui apparaît donc comme responsable de son destin. L’idée est que l’on ne peut pas tout remettre sur le dos de l’État. Celui-ci a bien des responsabilités mais se cacher uniquement derrière l’État apparaît comme la solution de facilité. En effet, la présence même de Soulayman dans ce concours d’éloquence, son parcours d’étudiant, tend à prouver qu’à force de volonté on peut s’en sortir. Le risque d’un tel discours néanmoins, s’il a l’avantage de montrer que n’importe qui peut s’élever, est de faire croire que n’importe qui aurait pu s’élever, de faire culpabiliser ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne sont pas allés au bout de leurs études, ont à un moment donné lâcher, suivi une autre voie. Ce discours, qui existe dans le débat public et qui consiste à montrer quelques rares exemples de réussite professionnelle de personnes issues de milieux populaires pour mieux dire aux autres : « vous voyez, vous auriez pu réussir, ça ne tenait qu’à vous », n’est néanmoins pas celui de Banlieusards. En effet, le film montre, à la suite d’une scène au cours de laquelle Soulayman subit un contrôle policier, comment celui-ci, rattrapé par la réalité de la vie en banlieue, se met à rejeter l’État, reprenant pour lui-même devant son miroir, les paroles de Lettre à la République, morceau engagé et controversé de Kery James…
Chronique de trois Banlieusards, trois frères aux fortunes diverses, ce film met en avant la diversité de la banlieue, filmée comme rarement, avec justesse, par la banlieue.