David Foenkinos a toujours su faire rire et pleurer, émouvoir et faire réfléchir en décrivant nos petites lubies et nos travers. Ici, dans son nouveau roman intitulé "Numéro deux", avec sa force narrative et imaginative habituelle, l'auteur pense la vie de Martin Hill, celui qui aurait pu être choisi pour jouer Harry Potter. Entre fiction et réalité, enquête et imagination, Foenkinos séduit encore. Rencontre :
Numéro Deux est-il un roman sur la perte et l'échec ?
Tout à fait. Le sujet principal est celui de l’échec, et comment surmonter l’échec. J’adore cette phrase de Churchill qui dit que « le succès c’est d’aller d’échecs en échecs ». Il y a une force à puiser dans ce que l’on rate, et le long chemin de mon personnage va lui permettre de comprendre cela.
Quelle est la part de fiction dans votre œuvre ?
Le point de départ est réel, à savoir qu’à la fin du processus de casting pour Harry Potter, il ne restait plus que deux acteurs. Et que Radcliffe a été choisi car il avait « un petit quelque chose en plus ». Tout ce que je raconte autour de l’histoire de J.K. Rowling, et la genèse du film, est vrai. En revanche le destin de ce fameux numéro relève de la fiction.
Votre livre est-il une allégorie de notre société qui pousse à toujours être le numéro 1 ?
Disons que l’on vit de plus en plus sous la dictature du prétendu bonheur des autres. On est davantage propulsés dans une système de comparaison qui peut se révéler infernal. Même si on ne cherche pas à être numéro 1, on peut facilement se sentir déclassé, ou en situation d’échec.
Comment définiriez-vous ce "petit truc en plus" qui manquait à Martin pour avoir le premier rôle de Harry Potter ?
C’est indéfinissable. C’est pour cela que mon livre traite aussi du hasard, de la puissance chanceuse ou désastreuse de la destinée. Comme si le positionnement d’une virgule pouvait modifier la signification d’un roman de 800 pages.
Cette phrase n'est-elle pas d'une violence rare ? Avez-vous déjà vécu cela au court de votre carrière de romancier ?
Je pense qu’on vit tous des situations d’échecs, car on est sans cesse soumis à des décisions externes. Je ne l’ai pas vécu forcément en tant que romancier, mais en tant qu’homme, dans ma vie amoureuse ou professionnelle. Il y a toujours quelqu’un qui vous supplante à un moment ou à un autre.
Il a la première place dans votre livre. Est-ce un désir de réhabilitation ?
D’une certaine manière, c’est très juste. Être un héros de l’échec, c’est tout de même être un héros. Je ne cherche pas à le réhabiliter, mais plutôt l’accompagner dans son épreuve. J’ai été bouleversé en pensant à ce que ce jeune garçon avait du vivre. On a surtout envie de développer une immense empathie à son égard.
Y a-t-il un autre Numéro Deux qui vous tente ? Dexter, Carrière Bradshaw, ou autre personnage fictif qui a marqué toute une génération ?
Je parle dans mon livre de Pete Best, le batteur des Beatles qui a été écarté au dernier moment. J’ai des frissons en pensant à l’idée d’une vie qui caresse de si près un destin exceptionnel. Il se rapproche vraiment de mon personnage.
Connaissez-vous Björn Andrésen l'acteur suédois à l'affiche de Mort à Venise de Visconti ? Il fût le numéro 1 et pourtant... N'est-il pas bon d'être le Numéro Deux ?
Beaucoup d’acteurs ont ainsi été enfermés dans des rôles. Et j’en parle bien sûr dans mon livre avec Radcliffe. Il existe ainsi une tragédie au succès.