Le prix du passage est une chronique sociale forte. Natacha est une mère célibataire de 25 ans. Elle doit subvenir aux besoins d'Enzo, 8 ans, malgré la précarité qui jalonne son quotidien. Walid, jeune migrant cherche à réunir assez d’argent pour payer son passage vers l’Angleterre. Le destin de ces deux êtres aux abois vont se percuter et ils vont improviser une filière artisanale de passages clandestins dans le Nord de la France, près de Calais. Le réalisateur Thierry Binisti donne à ces voyageurs une dimension humaines et les éloigne du simple fait statistique.
Rencontre :
Votre film Le prix du passage a des accents de documentaire. Comment avez-vous travaillé votre récit ?
Effectivement, j'avais à cœur de donner au film un vrai reflet de la réalité quotidienne des migrants. J'ai passé un certain temps auprès d'eux grâce aux différentes associations qui agissent sur le terrain. J'ai pu ainsi rencontrer beaucoup de personnes en attente d'un passage. Pour certains depuis de longs mois, et parfois des années.
Est-ce une façon d'humaniser un sujet compliqué et froid seulement traité via des chiffres (arrivés ou décès par noyade) dans les médias ?
Nous sommes abreuvés de chiffres sur les migrants. J'ai l'impression qu'au bout d'un moment, ces statistiques n'agissent plus sur nous. Nous n'en prenons plus la mesure. Un film permet d'incarner un destin, on s'attache à un visage, au passé et au rêve de nos personnages.
Natacha, votre héroïne campée par Alice Isaaz, prend un risque fou pour passer des migrants en Angleterre. Avez-vous rencontré des "Natacha" ? Est-ce courant ?
J'ai lu quelques histoires proches de celle de Natacha. Certains agissent par humanité, d'autres par cupidité. Notre scénariste s'est inspirée d'une rencontre qu'elle avait faite pendant qu'elle travaillait dans des associations.
Elle est mère et célibataire et précaire. Votre film est un drame et suspense policier mais est-ce aussi une chronique sociale ?
J'ai voulu mélanger les deux genres. Peindre le tableau d'une réalité pour certaines personnes vivant seules et démunies, leur combat quotidien pour exister, mais avec la tension d'un récit à suspense. Les enjeux sont forts et on s'accroche à leur histoire.
Les rapports avec sa mère sont compliqués. Le film dénonce aussi le déterminisme et le besoin vital de s'extraire d'un milieu social pauvre. Qu'est-ce qui vous touche dans ces destins ?
Natacha ne trouve pas de place dans sa propre vie. Elle a en elle un rêve de changer, de fuir cette fatalité qui l'englue mais elle ne sait même pas par où commencer. L'histoire qu'elle va vivre, va lui donner les clés de sa propre liberté. Ce chemin me touche toujours énormément chez tout le monde, et quelque soit ses conditions de vie. Réussir à inventer sa place vis à vis de soi-même et auprès de ceux qui nous entourent.
Quel est l'atout du cinéma par rapport au documentaire pour raconter ces terribles histoires de migrants ?
Le documentaire à une puissance folle. C'est la force du réel incontestable qui agit. La fiction nous donne à partager une histoire, des émotions et cela laisse souvent en nous une trace profonde. Les visages de nos personnages poursuivent leur récit bien après la projection du film.
Le prix du passage, Thierry Binisti avec Alice Isaaz et Adam Bessa actuellement en salle - Photo Une Jean Noël Martin