Jennifer Aniston est actrice, productrice et parfaitement racontée par Anaïs Maquiné-Denecker. La journaliste-écrivaine revient sur le parcours complet de l'artiste. Très loin des biographies trop faciles et chronologiques, elle montre finement la volonté farouche d'une femme libre qui se remet de tout : la rumeur destructrice, un système médiatique avide de sensationnel, des amours rompus... Ça se dévore, alors il n'y a plus qu'à...
Qu'est-ce qui vous a motivé à écrire sur Jennifer Aniston ? Représente-t-elle un rôle modèle à vos yeux, passant de celle qui cherche la liberté, à celle qui parvient enfin à l'épanouissement ?
J’ai rencontré pour la première fois Jennifer Aniston en 2009 quand j’étais journaliste pour TF1. Elle venait de divorcer de Brad Pitt. Elle avait alors 40 ans et les médias exerçaient une pression incroyable sur elle parce qu’elle n’avait pas d’enfants. Jennifer m’a dit : « C’est difficile de comprendre l’intérêt des gens pour ce qu’il se passe dans mon utérus, Je ne peux pas boire une bière sans que la presse interprète les rondeurs de mon ventre comme un baby bump. Au-delà d’être ridicules, ces rumeurs font mal. » Elle n’en parlait pas encore, mais, elle sortait d’un parcours douloureux de FIV. Bien sûr il était plus vendeur pour les médias de la dépeindre comme une femme carriériste qui préférait faire passer son métier avant la maternité et de l’opposer à Angelina Jolie qui venait de donner 6 enfants à son ex- mari. De mon côté, J’étais une jeune mère célibataire qui devait mener de front une carrière de rédactrice en chef à la télévision et l’éducation de mon enfant. Je subissais pas mal de pressions au travail parce que je devais m’occuper d’un bébé. J’ai compris que la société avait encore des progrès à faire sur la place des femmes. Jennifer m’expliquait qu’une femme sans bébé ne pouvait pas être une vraie femme et moi, qui en avait un, je n’étais pas légitime à faire carrière. C’est à ce moment-là que mon intérêt pour Jennifer est né.
À travers son histoire, vous rendez compte du système médiatique et dénoncez la force meurtrière de la rumeur. Un mot la dessus ?
Jennifer Aniston, en tant que star, est souvent victime de rumeurs et de fake-news. J’évoque plusieurs d’entre-elles dans mon livre. Lorsqu’elle a tourné le film « Une Famille très moderne » dans lequel son personnage fait appel à un donneur de sperme, elle s’est, par exemple, attirée les foudres des conservateurs américains parce qu’elle s’était réjouie dans une interview, je cite : des nombreux choix et options qui s’offrent aux femmes pour devenir mères. Aujourd’hui, on ne peut plus exprimer une opinion sans se faire lyncher sur les réseaux sociaux. Je m’inquiète de la force de la rumeur, des hommes et des femmes qui se retrouvent condamnés par les internautes sans que les médias n’aient pu faire leur travail de vérification et de modération de l’information. La désinformation est un fléau.
Qu'avez-vous pensé de sa prestation dans la série The morning show de Jay Carson ? Que représente son rôle de femme forte, déterminée dans nos sociétés médiatiques bousculées par une prise de parole de plus en plus grande ?
J’aime les fêlures de son personnage d’Alex Levy. Je trouve très courageux pour une actrice de plus de 50 ans pour laquelle les rôles se font rares, de se dire : Je vais produire une série dans laquelle je vais jouer une journaliste, star de l’info, menacée par l’arrivée d’une présentatrice plus jeune (Reese Witherspoon). Je trouve exceptionnel le travail des scénaristes de la série pour coller au plus près de l’actualité. Le traitement qu’ils ont faits de la crise du Covid ou de celle de #MeeToo est très fin et montre bien les difficultés rencontrées par les journalistes pour maintenir une ligne éditoriale libre lorsque les médias appartiennent à des groupes aux enjeux commerciaux. Pour avoir fait toute ma carrière à la télévision, je trouve assez juste la description de ses coulisses dans le Morning Show.
Parlez-nous de la Jennifer Aniston femme d'affaires et productrice ?
Jennifer Aniston est une businesswoman, hors pair. Tout a commencé avec le succès de sa coupe de cheveux dans la série Friends. Après avoir signé un contrat avec L’Oréal, elle a compris qu’elle avait tout intérêt à lancer sa propre marque de soins capillaires Living Proof qu’elle a ensuite revendu en 2016 au géant Unilever. Aujourd’hui la fortune de Jennifer Aniston est estimée à 320 millions de dollars. Elle a monté sa propre société de production avec sa meilleure amie Kristin Han qui dit d’elle que c’est, je cite : une travailleuse qui a un flair inégalable pour le business. Ensemble, elles produisent la série Le Morning Show. Son nouveau crédo c’est aussi le sport. Elle s’est prise de passion pour une nouvelle discipline, le Pvolve et s’est associé à ses créateurs pour en faire un succès aussi puissant que le Pilate. Ses engagements politiques, en faveur de Joe Biden et caritatifs en font également la nouvelle Jane Fonda.
Vous la décrivez par le truchement de chapitre intitulés "Celle qui...". La construction est-elle faire pour montrer que nos identités sont multiples et complexes ?
Les titres des chapitres du livre font avant tout référence à ceux des épisodes la série Friends « Celui qui ». Mais vous avez raison, c’est tout l’intérêt de cette biographie pour laquelle j’ai mené une enquête de quinze ans afin de raconter la «vraie histoire» de Jennifer Aniston, celle d’une femme encrée dans son époque avec ses questionnements, ses blessures mais aussi sa force et son incroyable pouvoir de résilience. La biographie est un exercice complexe. il y a les biographies signées par les artistes eux-mêmes qui sont souvent très édulcorées, celles réalisées par des auteurs qui ne les ont jamais approchés et qui se contentent de compiler une revue de presse. Et celles, hybrides comme se veut la collection «Meet the People » des éditions Hachette dans laquelle je publie « Jennifer Aniston : l’Impossible Bonheur », qui partent d’entretiens avec la star et sont enrichies d’un véritable travail d’investigation auprès de ses proches. C’est un travail de fourmi, qui demande du temps et de gagner la confiance de ceux qui se l’entourent. Une vraie mission journalistique de fond.
À quel artiste consacrerez vous votre prochain livre ?
Puisque Friends fête ses 30 ans cette année, je sors au mois de juillet un ouvrage consacré aux autres acteurs de cette série, qui a été un véritable phénomène de société transgénérationnel. Je trouvais intéressant de comprendre leur vie après un tel succès. Puis, suivra une enquête sur les escrocs d’Hollywood, publiée à la rentrée. Je travaille aussi sur deux nouvelles biographies d’immenses stars américaines mais c’est confidentiel.