Valérie Tazi, passionnée d'art, parle avec amour de la ville d'ocre. Elle publie le guide Marrakech MIMI pour une autre vision du patrimoine marocain. Après Stéphane Szmil "Entreprendre et vivre au maroc", Laruchemedia poursuit son tour du Maroc et vous propose de découvrir une autre personnalité entrepreneuriale forte et engagée.
Il y a de multiples ouvrages et guides sur la célèbre ville d'ocre. Qu'est-ce qui a motivé ce nouvel opus et quel est le pas de côté ?
En effet, mais ce sont souvent des guides avec une démarche commerciale derrière. « Tu prends de la pub, je te mets dans mon guide ». Moi j’avais envie de faire autre chose. En arrivant à Marrakech, il y a bientôt sept ans, après 15 ans de journalisme, j’ai eu envie de continuer à écrire à travers un site internet. J’ai lancé www.origamimi.com, origami, parce que je suis passionnée par le Japon et mimi parce que c’est le petit nom de l’homme de ma vie qui m’accompagne depuis 37 ans. Sur ce site, je parlais de mes coups de cœur vus au Salon du meuble de Milan ou à la Paris Design Week.
Quand la Covid est arrivée, j’ai commencé à envoyer une newsletter hebdomadaire à mes amis dans laquelle je partageais mes bons plans de « coincée à Marrakech », mes recettes, mes lectures, mes séries préférées…
Après la pandémie, la Newsletter a évolué en devenant mensuelle et j’ai ajouté des rubriques sur les nouvelles adresses de Marrakech et les marques locales, mode, déco… Mes amies de Casablanca et Rabat m’appelaient souvent pour me demander une adresse qu’elles avaient repérée dans une précédente newsletter. C’est de là qu’est venue l’idée du guide, comme un prolongement du site et de la Newsletter. Un guide papier proposant plus de 200 adresses testées et sélectionnées en toute indépendance (quand je vais dans un nouvel endroit, je paye et si j’aime, j’en parle, si je n’aime pas, je n’en parle pas, c’est aussi simple que ça), et entièrement auto-financé, de la maquette à l’impression.
Ce guide se différencie peut-être aussi par son côté très personnel. C’est mon amie Stella Cadente qui m’avait déjà dessinée en « Fantomette portant sa cape d’invisibilité » prête à affronter les épreuves de la vie qui a eu l’idée de me croquer dans diverses situations pour illustrer le guide. On retrouve aussi à l’ouverture de chaque chapitre correspondant à un quartier de Marrakech, la photo de mes pieds prise sur des zelliges, des tapis,… J’ai même créé l’hashtag #origamimifeet pour ces photographies que l’on retrouve sur mon compte Instagram origamimi_officiel avec la légende « In love with zelliges ».
Enfin, je ne me contente pas de parler des lieux, je raconte l’humain, les gens qui sont derrière un vase en céramique, une corne de gazelle ou un restaurant, des femmes et des hommes d’ici et d’ailleurs qui incarnent la culture locale, des créateurs inspirés, des artisans doués, des personnes passionnées par leur métier, des esthètes et des épicuriens.
Les rubriques sont alléchantes : Se régaler Se faire plaisir Se cultiver S’évader Se faire du bien. C'est selon vous votre définition de Marrakech ?
Oui, c’est une ville qui offre une multitude de possibilités : des restaurants marocains, bien sûr, mais pas seulement, on peut aussi manger français, italien, thaï, indien,…, des boutiques de toutes sortes (de la petite échoppe au concept-store), des musées, des galeries, des jardins merveilleux, des hammams et spas qui offrent des rituels orientaux, des massages asiatiques. Marrakech est une ville-monde où cohabitent de nombreuses nationalités, des femmes et des hommes qui l’enrichissent.
On retrouve tout ça dans marrakechMIMI pour vivre le meilleur de la ville. En revanche, j’ai pris le parti de ne pas parler d’hébergement, considérant que les touristes qui viennent à Marrakech n’ont pas besoin de moi pour choisir leur hôtel ou leur riad. La plupart du temps, ils le font en amont via Internet.
Avec quels artistes avez-vous collaboré pour la photo et les illustrations ?
Avec Stanislassia Klein alias Stella Cadente, créatrice à l'imaginaire foisonnant. C’est une styliste, décoratrice, parfumeuse, photographe et directrice artistique qui voit à travers l'énergie et les couleurs du Maroc un pays à l'image de son univers. Elle vit à Marrakech où elle a ouvert un sublime riad-boutique hôtel dans la médina et une boutique. Elle a su me croquer avec beaucoup d’humour et d’amour. Avec le photographe et anthropologue Saâd Tazi, qui n’est autre que mon mari depuis 37 ans. Imprégné d'une riche expérience acquise lors de ses séjours prolongés à Los Angeles et Paris, il a entrepris un fascinant voyage introspectif à travers les contrées reculées du Maroc depuis son retour au pays. Il nous livre le fruit de ses balades dans des images qui détachent le lieu de son contexte habituel. Ses photographies deviennent ainsi des témoignages visuels d'une exploration intime, révélant des détails souvent négligés et des histoires muettes. Enfin, j’ai confié la direction artistique à Marguerite Mcqueen qui a façonné sa carrière à la croisée de la photographie et du cinéma. Forte de ses études approfondies dans ces domaines, elle a su fusionner créativité et technique. Son parcours professionnel l’a conduite dans le monde de la publicité, où elle laisse une empreinte artistique originale. Elle vit en France, mais vient très souvent à Marrakech qui tient une place particulière dans son cœur.
Ce guide construit en famille, ne serait pas le même sans les dessins pleins de clins d'œil et de tendresse de Stella, les photographies poétiques de Saâd et les trouvailles de Marguerite qui en font à la fois un objet à la fois esthétique et pratique.
Marrakech est devenue une évidence balnéaire passant parfois au mutisme le véritable patrimoine ancestral du lieu. Quel est votre regard sur son évolution touristique ? Il y a t il eu des abus et des voyageurs et du secteur hôtelier ?
Le tourisme de masse s’est beaucoup développé, et on compare souvent Marrakech à Ibiza. Mais je constate que les touristes qui viennent dans la ville ocre sont très vite conquis par ce supplément d’âme que l’on trouve dans sa lumière, ses couleurs, ses odeurs, son sens de l’hospitalité, sa cuisine généreuse, la gentillesse des gens, l’architecture des riads qui offrent un art de vivre singulier…
Je pense qu’il faudrait se soucier davantage des ravages du stress hydrique et agir en conséquence et développer l’offre culturelle en capitalisant sur notre patrimoine. En mai dernier, l’association Turath a organisé la 2ème édition des Journées du Patrimoine pour faire découvrir aux touristes, mais aussi aux Marrakchis, les richesses matérielles et immatérielles de la ville à travers des visites guidées, des parcours sensoriels, des conférences…
On doit multiplier les initiatives de ce genre.
Vous êtes également directrice artistique du JAAL. L'art tient une place importante dans toutes vos démarches professionnelles. Pouvez-vous nous exprimer votre parcours et pourquoi cet amour pour la création et les créateurs ?
Si l’art tient une grande place dans ma vie c’est parce que j’ai épousé un antropologue-photographe grâce à qui j’ai connu de nombreux artistes et vécu dans d’autres pays que le mien comme les États-Unis (nous avons passé trois ans à Los Angeles) et le Maroc. Mais avant de le rencontrer, j’avais déjà cet appétence pour le beau, une passion pour l’Asie, des envies d’ailleurs et une grande ouverture d’esprit (j’ai fait des études de mandarin, puis un master en sciences de l’information).
Avant d’arriver à Casablanca, il y a 22 ans, je travaillais dans un grand cabinet de conseil parisien. Le Maroc, où tout est possible, m’a permis de me reconvertir et de devenir journaliste. Pendant plus de quinze ans, j’ai été rédactrice en chef de magazines de mode, décoration, lifestyle. J’ai construit des liens très forts avec les créateurs du Maroc, ce qui m’a conduite à faire la sélection pour la boutique du Pavillon marocain à l’Exposition universelle de Dubaï. Le dénominateur commun de ces différentes expériences ? Le partage, l’envie de faire connaître le travail des artistes, des designers, des artisans, de défendre la consommation locale, de faire la promotion du bon et du beau.
Chose que je continue à faire dans ma troisième vie de directrice artistique du JAAL Riad Resort où j’ai mis en place un concept-store, une librairie, des ateliers et des résidences d’artistes et où j’organise des rencontres littéraires et des expositions.