Stéphane Malchow, propriétaire-directeur de Mollard : "Depuis le Covid, j’étais en réflexion pour rénover ces salons"

Par
Yasmina Jaafar
24 juillet 2024

L'été de laruchemedia, gastronomie, lifestyle et patrimoine

Le célèbre restaurant Mollard à Paris s'est refait une beauté. L'institution de la rue Saint Lazare s'agrandit sous l'impulsion de son directeur, Stéphane Malchow. Ses salons du fond ont retrouvé leur lustre d'antan, fruit d'une rénovation de l'architecte Philippe André. Des mosaïques datant de 1895 ont été retrouvées. Nous l'avons rencontré :

Le quartier de Saint Lazare était une campagne de Paris en 1837, à la création du chemin de fer qui relie St Germain à St Lazare. Mollard est né à cette époque. Racontez-nous les premiers pas de ce chic établissement ? 

Le couple Mollard arrive quelques années plus tard en 1865 avec cheval et charrette de leur Savoie natale pour profiter de l’activité que génère la gare. Ils ouvrent, ce qui n’est encore qu’un bistrot – un bougnat, on y vend aussi du charbon. La Gare Saint-Lazare est alors en plein développement. L’établissement marche très bien au point que monsieur Mollard décide, en 1895, d’en faire l’un des plus beaux restaurants de Paris. Nous sommes aux prémices de l’Art Nouveau, les architectes et artistes les plus en vue sont sollicités dont Édouard Niermans. Il fait spécialement venir d'Italie des marbres, des mosaïques, et demande aux ateliers de Sarreguemines de créer pour lui des pièces uniques de céramiques ayant pour thème la vie autour de la gare Saint-Lazare. Ces pièces évoquent Deauville, Saint-Germain-en-Laye, Ville d'Avray, l'entrée et la sortie de la gare Saint-Lazare, une «partie fine » de l'époque dans un des salons privés, sans oublier l'Alsace et la Lorraine, inévitables en cette année 1895.
Le succès est immédiat. Le monde culturel, économique et politique se presse dans les salles et salons. Très avantgardiste pour l’époque, un système de ventilation est mis en place qui fait du froid l’été grâce à des pains de glace, le plafond est rehaussé pour une meilleure acoustique et des toilettes séparées pour femmes sont installées, ce qui est rare alors.

Puis dans les années 1920, la mode passe à l’Art Déco qui préfère les lignes et les miroirs. Des glaces sont mises devant les céramiques et les mosaïques qui seront oubliées jusque dans les années 60. Il faut qu’un miroir se brise pour que l’on redécouvre alors les merveilles du début du siècle !

Comment l’établissement Mollard a-t-il passé l'étape de la seconde guerre mondiale ? 

Mon arrière-grand-père a eu l’instinct de tout repeindre en blanc, l’espace devenant assez quelque conque, il n’a pas été réquisitionné. Le salon du fond servait quand même de mess aux officiers musiciens de la Wehrmacht qui jouaient à l’Opéra et qui logeaient à l’hôtel au-dessus. Les menus ne sont pas variés mais mon arrière-grand-père avait acheté une ferme au Sud de la Loire où étaient élevés des cochons. Il approvisionnait Mollard et quelques restaurants sous le manteau.
Après la guerre, pour relancer le restaurant et permettre au plus grand nombre de bien manger, il lance une formule ‘l’omelette surprise’ à 10 francs tout compris à volonté. Mollard ne désemplit pas ! Les affaires reprennent. De plus les bureaux manquent, les fournisseurs restent le matin pour recevoir leurs clients et l’après-midi, les clients voient d’autres clients et tout ce petit monde boit et mange. La consommation d'apéritifs atteint jusqu'à 50 000 litres en 1949 ! La brasserie est relancée.

Les récents travaux ont permis justement de retrouver des décorations hors du commun. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ces découvertes ? 

C’est l’histoire de la maison qui s’est répétée avec ces découvertes. Les murs des salons du fond avaient été cachés par des planches de bois et du papier peint. Petit, je me souvenais de quelques céramiques que je n’aimais pas. Depuis le Covid, j’étais en réflexion pour rénover ces salons. J’ai fait appel à l’architecte Philippe André qui avait déjà refait la façade et la verrière de la salle principale. En redécouvrant ces mosaïques, le souvenir d’enfance a refait surface, je ne voulais pas les garder, Philippe André m’a convaincu du contraire et je ne regrette pas. Ces mosaïques vertes et des lignes verticales dorées, noires et blanches sont accompagnées Les miroirs fabriqués pour la rénovation et posés à leurs côtés reprennent ces motifs de lignes comme autant des gouttes de pluie ruisselantes.
Avec elles, nous avons refait des verrières dans l’esprit, des vitraux aux couleurs chatoyantes, protégées par des dalles de verre ont été installés pour séparer les espaces. Et trois panneaux de verre fabriqués par le Maître verrier Éric Bonte, représentent des nymphes. Glaces gravées façon Lalique, enluminés de feuilles d’or, les motifs sont sculptés par derrière pour créer une sensation de profondeur.
Tout l’esprit Mollard est revenu.

Longtemps un lieu huppé, aujourd'hui, votre carte s'ouvre à tous. Quelles sont propositions ? 

Mes parents disaient : « une brasserie doit être ouverte à toutes les bourses. » Un client sur deux prend une des quatre formules dont la première est à 31,25 €. Les écarts de prix peuvent être importants, suivant que le client prend à la carte ou à la formule. Notre clientèle est variée, beaucoup de parisiens qui travaillent dans les bureaux à côté mais Mollard est aussi un lien où l’on donne rendez-vous, pour des affaires, un contrat, un rendez-vous amoureux. Des artistes et hommes et femmes politiquent fréquentent toujours l’établissement et bien sûr nous avons des touristes parisiens et étrangers qui viennent pour la carte et le cadre.

Comment résiste-t-on à la concurrence quand on est une institution et un patrimoine ? Seul le nom ne peut suffire ? 

En effet, nous ne sommes pas un restaurant comme les autres. Cela impose de l’humilité et nous oblige. Cela nous oblige à une évolution constante mais pas de révolution. À titre d’exemple, vous ne trouverez pas de burgers sur notre carte, par contre il faut savoir s’adapter. Mollard propose désormais un plat vegan. Mais beaucoup de nos clients viennent pour retrouver nos spécialités : les fruits de mer, les escargots, les rognons, les crêpes. Ils apprécient aussi le service en salle, les crêpes justement flambées devant eux avec du vrai jus d’orange. Nous sommes Maîtres restaurateur depuis 10 ans et ce label nous impose de réaliser une cuisine faîte maison avec des produits bruts. Ici vous mangez une vraie béarnaise faîte maison, une vraie bouillabaisse, etc… Nous avons développé une charte qualité avec la venue régulière d’un ‘client mystère’, notre personnel est formé à l’esprit Mollard et a le sens du client. Je suis présent presque tous les jours sinon je mange chez un confrère. Mollard une histoire de famille. C’est aussi ça qui fait de nous une adresse renommée.

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Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique. 

Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.
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