CJJ.ART dévoile ses dernières œuvres jusqu'à la fin décembre au Nouveau Cap, à Aulnay-Sous-Bois. Rencontre avec une artiste autodidacte et concernée par le débat identitaire qui gangrène notre pays et la situation martiniquaise :
Quand et comment vous est venue l'idée de peindre des figures HipHop ?
Depuis ma plus tendre enfance, j’ai été bercée par la musique. Chaque dimanche, mes parents avaient coutume de nous faire découvrir des artistes de tout genre. Ma mère était une grande fan de James Brown, Ray Charles, Otis Redding, Percy Sledge, mais également Claude François, Mike Brant, Johnny Hallyday à l’époque yéyé. Nous écoutions également de la salsa tels que Tito Puente, Celia Cruz, du merengue, de la pure biguine traditionnelle, du Gwo ka, kompa et autres belles sonorités africaines. Fort de cette transmission tel un héritage culturel et de cet amour pour la musique , mon regretté frère est devenu DJ. La Soul Music, la funk, la garage, l’underground, la New Jack et bien sûr, le hip-hop n’avaient aucun secret pour lui. Et inéluctablement, à son tour, il m’a transmis cette passion que j’ai exprimée à travers la peinture. C’était une façon de lui rendre hommage, mais également un vibrant hommage à ces grandes figures du hip-hop qui m’ont tant fait vibrer et dont j’avais l’habitude de regarder les clips vidéos sur M6 dans l’émission Rapline animée par Olivier Cachin. Je dois souligner que leur look est également source d'inspiration. J'aime les détails : les couvres chef, les bijoux, les montres, les lunettes dont ils se parent...soit leur extravagance.
Vous peignez des témoins et acteurs militants Noirs du siècle dernier. Quelles autres figues prévoyez-vous de peindre ?
Là encore, mon éducation est pour beaucoup dans le choix de mes peintures. Mes parents ont en effet toujours eu cœur de nous transmettre des valeurs tels que le respect de l’autre, l’honneur, être noir devait rimer avec droiture et exemplarité. Ils nous parlaient de ces grands hommes qui ont marqué l’histoire notamment de Martin Luther King. Ces choix de peinture se sont donc imposés à moi tout naturellement. Il est aussi des personnages public qui ne sont pas noirs, et que j’admire pour le talent, la générosité, leur voix, leurs actions. La couleur et le sexe ne font pas l’Homme. Pour cette raison, ma démarche n’a rien de militant et je refuse de voir mes peintures enfermées dans une spirale identitaire ou communautaire. J’ai peint Gainsbourg, Sinatra, De Niro, Stallone, Madonna et j’ai la ferme intention de m’attaquer à des monuments tels que Gabin, De Funès , Ventura, Coluche, Joséphine Baker, Rosa, Parks, Simone Veil. Je prends beaucoup de plaisir à peindre toutes ces personnes qui ont marqué l’histoire. C’est une façon de dire merci pour tout ce qu’elles ont pu apporter à chacun d’entre nous.
Quelles sont vos inspirations artistiques ?
Mes inspirations artistiques sont grandes et de sources variées. Il y a bien sûr la musique, le cinéma, les grands personnages mais également la nature, la mode et toutes sortes d’émotions. Une de mes premières inspirations artistiques a été ma professeur de dessin de 6eme. Ses peintures, ses dessins étaient incroyables et j’étais littéralement en admiration devant son matériel. Faute d’études en histoire de l’art, mes connaissances et influences sont limitées. Cependant, les différentes techniques et artistes découverts sur Instagram constituent une grande richesse qui ne cesse de croître chaque jour.
Vous avez peint Aimé Césaire. Quel est votre regard sur la situation en Martinique en 2024 ?
J'ai peint Aimé Césaire car il représente un symbole culturel d'une histoire tragique et riche, à la fois. Il a voulu montrer que les caribéens devaient exister, qu'il peuvent créer et produire pour le bien commun. Les souffrances et difficultés des Martiniquais sont réelles. Nombreuses sont les personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et sont asphyxiées par des prix qui ne leur permettent pas de vivre décemment. J'espère très sincèrement qu'une issue favorable et pérenne pourra être trouvée.
Quelles sont vos autres activités en lien avec l'art et la transmission ?
Je n’ai pas d’activité annexe, mes peintures me prennent déjà beaucoup de temps.
En revanche, j’ai appris, non sans une certaine fierté, que mes tableaux pouvaient être un support pédagogique. En effet, deux classes de CM2 sont venues voir mes œuvres au Nouveau CAP à Aulnay, visites qui ont donné lieu à des explications sur les hommes et les femmes représentés.