ÉDITION - Nora Bussigny dirige une nouvelle collection d’enquête : "L'enquête reste intemporelle. Ces ouvrages ne dépasseront pas les 120 pages, permettant un prix accessible pour le lecteur"
Par
Yasmina Jaafar
26 mars 2025
Nora Bussigny, journaliste d'investigation, collabore avec plusieurs médias tels que Le Point ou encore Franc-Tireur et est désormais Directrice de collection pour les Éditions de L'Observatoire. L'idée est belle : développer des enquêtes parues dans la presse nationale, et permettre aux lecteurs d'en savoir davantage. Sortir de la frustration et informer, les seuls mots d'ordre d'une journaliste pas comme les autres. Nora Bussigny est l'auteure du livre à succès "Les Nouveaux Inquisiteurs" (Albin Michel)
Le premier ouvrage de la collection est signé Tristane Banon "Les faux sauveurs", une enquête fouillée sur les violences faites aux enfants à paraitre aujourd'hui. (Entretien à lire sur laruchemedia.com)
Qu'est-ce qui a motivé la création de cette toute nouvelle collection ?
À vrai dire, mon propre travail de journaliste, mais aussi celui de mes confrères et consœurs. Je pouvais constater que nous avions tous une frustration commune, propre au travail bien fait, d'en vouloir toujours plus après le rendu d'une enquête. Plus de place dans le journal, plus de "signes" dans un article, un épisode 2 pour une enquête... Les frustrations se succédaient et les nombreuses notes, les témoignages recueillis et les retours des lecteurs m'ont donné envie de créer un format différent.
"Je crois justement que l'enquête reste intemporelle. Elle devancera toujours l'IA qui ne peut pas investiguer"
Quel est son ADN ?
Je dirai : l'approfondissement. J'ai conçu cette collection pour proposer aux journalistes de divers rédactions de partir d'enquêtes déjà parues afin de les approfondir dans un ouvrage court, efficace, accessible au lecteur. Cette volonté de suite s'est inscrite dans une démarche de partir d'un cercle vertueux entre les médias, l'édition et les lecteurs.
Il semble que l'idée de développer un dossier de presse écrite (tous journaux confondus) en livre est inédite. L'époque est marquée par une infobésité de taille. Vous n'ajoutez pas, si je comprends bien, vous creusez dans le but d'informer le lecteur ?
En effet, ces ouvrages ne dépasseront pas les 120 pages, permettant un prix accessible pour le lecteur, et à l'auteur d'avoir la place pour approfondir son propos, développer les témoignages recueillis, revenir sur des informations qu'il n'a pas pu exploiter suffisamment et en révéler de nouvelles. Cela permet à un lecteur, surpris par un article mais déçu que tel ou tel angle n'ait pas été abordé de pouvoir poursuivre sa lecture sans se frustrer, tout comme son auteur.
Je lis beaucoup la presse et respecte le travail de nombreux confrères. Je me renseigne sur leurs spécialités, leurs appétences et les contacte en essayant de varier malgré tout les rédactions et les sujets, qu'ils soient sociétaux, économiques, politiques ou culturels.
C'est une première expérience en tant que Directrice de collection. Qu'est-ce cela implique pour vous en terme de temps et énergie ?
Je suis heureuse et soulager de voir à quel point j'aime ce rôle ! Accompagner un auteur dans l'écriture d'un ouvrage, son travail d'enquête, et penser aussi à ce que le lecteur espère, attend, sans perturber l'investigation du journaliste est une casquette que j'épouse avec joie ! Je n'en reste pas moins journaliste et autrice en parallèle.
Vous êtes également journaliste-enquêtrice. Quel regard portez-vous sur l'évolution du journalisme face à la place grandissante des réseaux sociaux ou de l'IA ?
Je crois justement que l'enquête reste intemporelle. Elle devancera toujours l'IA qui ne peut pas investiguer, elle séduira le créateur de contenus, avide d'infos croustillantes à résumer et elle interpellera le lecteur, heureux de plonger durant quelques heures dans une enquête fouillée.
Productrice, journaliste, fondatrice du site laruchemedia.com et de la société de production LA RUCHE MEDIA Prod, j'ai une tendresse particulière pour la liberté et l'esprit critique.
Et puisque la liberté n’est possible que s’il y a accès à l’instruction, il faut du temps, des instants et de la nuance pour accéder à ce savoir.